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Dossier: Attentat terroriste : Grand-Bassam

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Après les premiers jours de sidération, de recueillement après un tel traumatisme, l’heure de la réflexion est venue : le terrorisme peut frapper n’importe où et à tout moment ; il faudra vivre avec cette épée de Damoclès. Comment l’arrêter ou tout du moins l’anticiper ?
Dossier: Attentat terroriste : Grand-Bassam
Rien ne sera plus comme avant : Grand-Bassam, lieu de villégiature des abidjanais, a été foudroyé par une attaque terroriste. Ce devait être un dimanche comme tous les autres dans cette paisible et charmante cité balnéaire située à moins d’une heure de la capitale ivoirienne. Soudain vers 13 heures, ce 13 mars, surgît de nulle part des individus cagoulés, lourdement armés et munis de grenades, tirent indistinctement sur la foule entrain de pique-niquer sur la plage. Ils continuent leur funeste besogne en s’introduisant dans les restaurants et les hôtels qui se situent le long du bord de mer. Sans l’intervention des Forces Spéciales Ivoiriennes (FSI), arrivées rapidement sur les lieux, le bilan aurait pu être plus lourd. Les trois assaillants ont été neutralisés ; mais cette unité d’élite a perdu également trois de ses hommes au cours de l’assaut. Au total, l’attaque terroriste du Grand-Bassam a fait 19 victimes. Le groupe Al-Mourabitoune ne tarda pas à revendiquer cet acte barbare. Il s’agit d’une émanation d’Al-Qaïda au Maghreb Islamique (AQMI), dirigé par Mokthar Belmokhtar. Son plus grand fait d’armes reste à ce jour la prise d’otages massive du central gazier algérien d’In Aménas de janvier 2013 et faisant pas moins de 37 morts.Après la célérité de la première semaine, l’enquête semble ne plus progresser. Trahis par les échanges de communications de leur téléphone mobile, quatre complices ont été rapidement arrêtés. Ces derniers auraient assuré l’hébergement et apporté un soutien logistique aux terroristes venus de l’étranger. En tout, une quinzaine de personnes, soupçonnées d’être en lien avec cet attentat, sont entre les mains des autorités ivoiriennes. Mais le principal suspect, un dénommé Kounta Dallah, s’est discrètement éclipsé sans crier gare. Quant aux trois terroristes abattus, les prélèvements de leur ADN n’ont pas permis de les identifier, et ce malgré la mise à disposition de la base de données des différents services étrangers (américain, marocain, malien, français) venus prêter main forte aux autorités ivoiriennes.
Rien ne sera non plus comme avant pour tous les ivoiriens. La Côte d’Ivoire s’attendait tôt ou tard à une attaque terroriste. Les signes prémonitoires se rapprochaient inexorablement. Dès le mois de juin de l’année dernière, en l’espace de quelques semaines, deux localités maliennes à quelques encablures de la frontière ivoirienne furent la cible des djihadistes : d’abord Misséni dans la région de Sikasso le 10 juin 2015 et ensuite, Fakola le 29 juin ; elles ont toutes les deux été prises d’assaut par les rebelles islamistes. La sécurité fut alors renforcée sur la partie septentrionale et à Abidjan. Tout récemment encore, AQMI a proféré des menaces à l’endroit de la Côte d’Ivoire après les attaques d’hôtels perpétrées par les islamistes à Bamako (novembre 2015) et à Ouagadougou (janvier 2016). Mais les terroristes s’adaptent aux configurations des lieux, changent de mode opératoire et frappent toujours à des endroits où on ne les attend pas. Depuis le 11 septembre 2001, la sécurité dans les avions et dans les aéroports s’est de plus en plus renforcée au fil des années. L’image des appareils détournés par les pirates de l’air s’encastrant dans les tours jumelles de New-York hante encore la conscience collective. Cela n’a pas empêché l’explosion en vol dans le désert de Sinaï du Boeing russe avec 224 passagers à bord en octobre dernier ; ni encore le dernier attentat islamique à l’aéroport international de Zaventem de Bruxelles.
 
 
La population ivoirienne fait partie désormais des habitants de la planète qui ont vécu les affres d’une attaque terroriste. On ne jure à qui que ce soit de subir une telle épreuve ; même ceux qui sont à la tête de leurs Etats. Souvenez-vous du visage livide – le 11 septembre 2001 – du président G. W. Bush lorsqu’un de ses conseillers vient lui chuchoter à l’oreille que les Etats-Unis venaient d’être attaqués ; la voix chevrotante du président François Hollande lors de son adresse au peuple français le soir du 13 novembre 2015 ; et les cernes des yeux du nouveau chef d’Etat burkinabé Roch Marc Kaboré, à la suite de l’assaut du Radisson-Blu de Ouagadougou en janvier dernier, seulement quelques jours après son investiture. Lors de l’attentat de Grand Bassam, le président Alassane Ouattara a dû interrompre son week-end dans sa résidence secondaire pour regagner Abidjan et se rendre au centre opérationnel du ministère de l’Intérieur. Le chef de l’Etat a déclenché le code rouge du Plan d’action contre le terrorisme : déploiement d’environ 10 000 membres des forces de sécurité sur tout le territoire ; au moins 290 hommes en civils surveilleront des sites sensibles.
 

Pourquoi la Côte d’Ivoire a-t-elle subi les foudres des groupes djihadistes ?
 
Avec un contingent de quelques 170 hommes, elle a effectivement pris part à la Mission des Nations-Unies pour la Stabilisation du Mali (Minusma) déployée depuis 2013 ; elle est également un pays « ami » de la France. A ce titre, les islamistes considèrent les ivoiriens comme leurs ennemis. Ces derniers ont donc payé de leur sang la tragédie de Grand Bassam. Mais force est de constater que la cible privilégiée des attentats islamistes dans les pays d’Afrique vise principalement des bases militaires et les intérêts occidentaux c’est-à-dire des lieux tels que les unités d’exploitation d’hydrocarbures ou encore les hôtels et les restaurants. Les occidentaux sont, aux yeux des djihadistes, des ennemis ; qu’il soit civil ou militaire et mécréant qui plus est.
Dès 2014, à la suite de l’opération Serval et le déploiement de la MINUSMA, les organisations islamistes (AQMI, Ansar Dine, MUJAO…) qui sévissent au Nord Mali ont quelques peu modifié leur mode opératoire. Affaiblies par la puissance de feu de la coalition, elles procèdent désormais par petites touches. Les prises d’otages n’ont plus cours alors qu’il s’agissait d’une des sources de financement des groupes terroristes. Par contre, les capitales Ouest-africaines et les sites pétroliers font l’objet d’attaques surprises par les groupes djihadistes : le Radisson-Blu à Bamako (novembre 2015) ; la même enseigne à Ouagadougou (janvier 2016) ; le site gazier de Kherebcha dans le Sahara algérien (18 mars 2016) et tout dernièrement, l’hôtel Nord-Sud abritant un contingent de conseillers militaires européens de l’EUTM à Bamako (21 mars 2016).
 
Quelles réponses face à la menace djihadiste ?
 
Contrairement aux différents pays de l’hinterland (Burkina Faso, Niger, Mali) en bordure du désert de Sahel, le système de gouvernance et de sécurité de la Côte d’Ivoire s’est mieux étoffé depuis 2011. Pour les deux chercheurs universitaires Yvan Guichaoua et Fahiraman Rodrigue KONE (in l’Après Bassam), « la réaction ivoirienne ne ressemblera pas à celles de ses voisins déjà affectés. Elle dépendra de sa configuration institutionnelle et politique particulière ». Pourtant, dès le jour d’après Grand Bassam, « les ministres de la Sécurité de la Côte d’Ivoire, du Burkina Faso, du Mali et du Sénégal ont décidé de renforcer les relations entre leurs services face à la menace djihadiste régionale ». Cette coopération est un premier embryon de réponse à la menace présente. Mais plus globalement, la CEDEAO s’est déjà penchée sur le sujet. Les textes et le cadre institutionnel existent déjà depuis plusieurs années. Ils sont gravés pour une partie dans la vision 2020 ou « la CEDEAO des peuples » qui reconnait que l’intégration institutionnelle est déjà une réalité mais il faut avancer vers une coopération plus poussée. Et le défi sécuritaire est une des conditions préalables. Il pose un constat sur la porosité des frontières des pays en crise et la circulation transnationale et régionale des combattants et des armes. On estime à 10 millions la quantité d’armes en circulation en Afrique de l’Ouest, dont la moitié est détenue à titre privé échappant à toute forme de contrôle public. Pourquoi la situation du Nord-Mali n’a-t-elle pas été gérée de manière efficace ? Les menaces djihadistes qui avancent inexorablement vers les pays situées au Sud révèlent-elles une faille dans la capacité sécuritaire des Etats ou de la CEDEAO. Les coups portés par la coalition internationale contre DAECH en Syrie et en Irak affaiblirait l’organisation terroriste. Comme un hydre à plusieurs têtes, elle renaîtra sur un nouveau théâtre d’opérations à l’instar d’Al Qaida et ses nouvelles franchises AQMI (Al-Qaida au Maghreb Islamique) ou AQPA (Al Qaida de la Péninsule Arabique) Et le choix des combattants salafistes se porteraient sur la Libye ; ils y seraient aujourd’hui entre 4 à 5.000 djihadistes. Pays en totale décomposition institutionnelle depuis l’intervention franco-anglaise de 2011 pour éliminer le colonel Kadhafi, c’est un terreau favorable pour continuer la guerre sainte. Toutes les conditions y sont réunies : les trafics - de migrants et d’armes - sources de financement indispensables à la survie d’une organisation terroriste. Cette nouvelle menace n’est sûrement pas une très bonne nouvelle pour le continent africain ; les souvenirs de la faillite du Mali en 2013 restent encore vifs. Et cette fois-ci, un rapprochement entre DAECH et Boko Haram - même sérieusement affaibli - n’est pas de bon augure pour la sécurité des pays de la CEDEAO. S’en remettre uniquement au rideau de défense des pays du G5 « Sahel » et de l’opération Barkhane serait une grave erreur.
 
Alex ZAKA
Paru dans le Diasporas-News n°73 d'Avril 2016


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