Changement de locataire au palais de la Marina à Cotonou. Le nouveau locataire Patrice Talon n’entendrait pas s’y éterniser et limiterait même son bail à cinq ans. Est-ce suffisant pour accomplir toutes les promesses égrenées lors de la campagne électorale ? En tout cas, il suscite beaucoup d’espoirs mais également quelques appréhensions !
![Bénin : élections présidentielles : L’irrésistible ascension Bénin : élections présidentielles : L’irrésistible ascension](http://www.diasporas-news.com/photo/art/default/9319686-14898946.jpg?v=1460784442)
Le verdict des urnes du second tour des élections présidentielles est tombé : Patrice Talon l’emporte haut la main avec 65 % de voix face au premier ministre sortant Lionel Zinsou, gratifié d’environ 35%. Fair-play, ce dernier a reconnu la victoire de son adversaire dès les premières estimations et l’a appelé pour le féliciter. Saluons la sagesse du peuple béninois pour cette alternance politique sans violences malgré les quelques imperfections. En effet, la Commission Electorale Nationale Approfondie (CENA) a reporté d’une semaine - du 28 février au 6 mars - le premier tour des élections présidentielles. La raison est la suivante : un retard dans la distribution des 4,7 millions de cartes électorales ; ce qui devait permettre à chaque citoyen de s’acquitter de son droit de vote. Pour n’exclure aucun électeur, on a même accepté les anciennes cartes.
33 candidats au premier tour et un trio de tête se détachent : Lionel Zinsou, le candidat investi par la majorité présidentielle sortante avec 856.218 voix (28,44%) ; ensuite le roi du coton Patrice Talon et ses 746.798 voix (24,80%) et enfin le Patron des Patrons Sébastien Ajavon ferme la marche en obtenant 693.492 voix (23,03%). Quelques outsiders ont été relégués à moins de 10% parmi lesquels figurent l’économiste Abdoulaye Bio Tchané et l’ex-Premier Ministre Pascal Irénée Koupaki avec respectivement 8,79 et 5,85% des voix. La principale force politique du pays le Forces Cauris pour un Bénin Emergent (FCBE) du président Boni Yayi sortant ne monopolise même pas le tiers de l’électoral ; tel est le premier enseignement tiré de ce résultat. Pourtant le FCBE a reçu le soutien d’une part, du Parti du Renouveau Démocratique dirigé par Adrien Houngbedji, challenger invétéré de Boni Yayi lors des présidentielles de 2006 et 2011 ; et d’autre part, de la Renaissance du Bénin (RD) de Léhady Soglo et maire de Cotonou qui fut aussi un parti d’opposition. D’ailleurs, son père – l’ancien président de la République Nicéphore Soglo – ne s’en remettra jamais de cette « mésalliance » et avait désavoué publiquement son fils prodigue ; accusé d’avoir vendu cet héritage familial chèrement construit aux adversaires d’hier.
Ce mariage de la carpe et du lapin c’est-à-dire le ralliement de deux partis d’opposition en janvier dernier a surpris plus d’un. Et dire qu’ils menaient encore la fronde du « tous sauf Yayi » - en partie parrainée par le tycoon Patrice Talon - lors des dernières élections législatives d’avril 2015 ; ce qui a permis à Adrien Houngbedji d’accéder au perchoir de l’Assemblée Nationale. Quelle serait la contrepartie, en cas de victoire ? Il serait trop facile d’évoquer des liens amicaux ou familiaux comme prétexte à cette volte-face ; ce serait plutôt la perspective d’une entrée de plusieurs ministres au gouvernement pour Adrien Houngbedji, las d’être un éternel opposant ; un renvoi d’ascenseur gouvernemental pour la gestion de Cotonou, dont Léhady Soglo en est le premier édile. Certes, mais la classe politique sait se mobiliser pour défendre ensemble leur fonds de commerce. Or pour les élections présidentielles 2016, la donne a été complètement bouleversée : les hommes d’affaires ont décidé de poser eux-mêmes leur candidature alors qu’ils se contentaient autrefois de financer les partis politiques tous azimuts.
Chaque pays du continent possède sa propre sociologie politique et le Bénin n’en fait pas exception : l’antagonisme entre le Nord et le Sud apparaît toujours en filigrane ; Nicéphore Soglo fut le seul président de la République (1991-1993) originaire du Sud depuis plus de quarante ans ! Tout comme le clivage entre les grandes villes et les zones rurales, la dimension religieuse rentre également en ligne de compte : plusieurs candidats dont Lionel Zinsou ont fait au mois de janvier le voyage de Savalou - lieu de la 25ème édition de la Fête des religions endogènes – pour s’attirer les bonnes grâces de ces prêtres traditionnels. L’église catholique en déclin penchait en faveur de l'ex-Premier ministre Pascal Irénée Koupaki ; alors que les protestants étaient plutôt affiliés au chef de l’Etat sortant. Outre les nombreux cadeaux distribués au cours des différents meetings, cette campagne électorale a certainement battu le record d’argent dépensé pour s’attacher les services d’agence de communication ou simplement d’acheter le ralliement d’un parti ou des personnalités influentes ; ce qui biaise un peu le choix démocratique.
Tout sauf Lionel Zinsou
Arithmétiquement, le second tour a été plié lorsque les trois candidats poursuivants (Sébastien Ajavon, Abdoulaye Bio Tchané et Pascal Irénée Koupaki) ont décidé d’apporter leur soutien à Patrice Talon. Le principal syndicat des taxis-motos, le Mouvement des Zémidjans [emmène-moi vite] pour un Bénin Emergent (MOZEBE) s’est fourvoyé en lâchant Sébastien Ajavon pour se ranger derrière le Premier ministre sortant, arrivé en tête. Ils sont plus de 300.000 à sillonner tout le territoire, dont plus de 30% circulent à Cotonou. Les Zémidjans sont des figures incontournables dans ce pays pour pallier à l’insuffisance de transports en commun publics. Activité totalement informelle - comme plus de 80% de l’économie nationale - mais tolérée par les gouvernements successifs, leur origine remonte au Plan d’Ajustement Structurel des années 1980 impulsé par les bailleurs de fonds. Cette restriction budgétaire a provoqué la faillite des transports publics et des milliers de chômeurs. Formidable vecteur de propagande au moment des élections car au contact direct avec la population, le MOZEBE aspire enfin à un changement de leur statut pour le moins précaire. Un temps capté par le candidat Sébastien Ajovon, les Zémidjans se sont ravisés entre les deux tours pour soutenir Lionel Zinsou. Celui-ci leur avait promis dès sa nomination en juin 2015 la mise en place un système de microcrédit de 1 milliard FCFA (1,5 million €uros) pour financer un achat de matériel ou leur réparation ainsi qu’un plan de reconversion dans l’agriculture.
Lionel Zinsou - parfois décrié et trop souvent vilipendé - a été rejeté par toute la classe politique. Et le peuple béninois se méfiait également de ce chef de gouvernement – venu de France - nommé trop tardivement par Thomas Yayi Boni. De ce fait, il ne pouvait se prévaloir d’une candidature de rupture par rapport au régime sortant. Deux questions : pourquoi l’a-t-il-choisi comme premier ministre à moins d’un an de sa fin de mandat ? Pourquoi l’a-t-il imposé comme candidat du FCBE aux dépends de ses anciens compagnons de route ? En 2006, Thomas Boni Yayi était un électron libre. Il était le symbole du renouveau face à Mathieu Kérékou au crépuscule de sa longue carrière politique. Il était simplement soutenu par de petits partis politiques avec un leitmotiv : « Ça peut changer ! Ça doit changer ! Ça va changer ! ». A l’instar des partis dits bonapartistes c’est-à-dire une force politique mise uniquement au service de son leader, le FCBE ne survivra pas à l’éclipse de son fondateur donc l’avenir est pour l’instant incertain. En effet, la coprésidence de la COP 21 que Laurent Fabius lui avait promis n’est plus d’actualité. Boni Yayi était en état de grâce les premières années de son premier mandat. Puis au fil du temps, il s’est isolé dans sa tour d’ivoire en voulant se débarrasser des compagnons de lutte des premières heures. Ensuite, la corruption a commencé prendre de l’ampleur alors que le candidat Yayi Boni avait promis de lutter contre cette endémie ! Il a surtout été éclaboussé par le scandale financier de l’ICC Services (Investment Consultancy and Computering Services) en 2010. Il s’agissait d’un placement au taux de rendement alléchant de 200% par an et qui a ruiné plus d’un million d’épargnants. Il a été accusé à l’époque d’avoir favoriser ou donner des passe-droits aux différentes activités de cette société qui, en retour, avait sponsorisé l’écurie politique du chef de l’Etat.
33 candidats au premier tour et un trio de tête se détachent : Lionel Zinsou, le candidat investi par la majorité présidentielle sortante avec 856.218 voix (28,44%) ; ensuite le roi du coton Patrice Talon et ses 746.798 voix (24,80%) et enfin le Patron des Patrons Sébastien Ajavon ferme la marche en obtenant 693.492 voix (23,03%). Quelques outsiders ont été relégués à moins de 10% parmi lesquels figurent l’économiste Abdoulaye Bio Tchané et l’ex-Premier Ministre Pascal Irénée Koupaki avec respectivement 8,79 et 5,85% des voix. La principale force politique du pays le Forces Cauris pour un Bénin Emergent (FCBE) du président Boni Yayi sortant ne monopolise même pas le tiers de l’électoral ; tel est le premier enseignement tiré de ce résultat. Pourtant le FCBE a reçu le soutien d’une part, du Parti du Renouveau Démocratique dirigé par Adrien Houngbedji, challenger invétéré de Boni Yayi lors des présidentielles de 2006 et 2011 ; et d’autre part, de la Renaissance du Bénin (RD) de Léhady Soglo et maire de Cotonou qui fut aussi un parti d’opposition. D’ailleurs, son père – l’ancien président de la République Nicéphore Soglo – ne s’en remettra jamais de cette « mésalliance » et avait désavoué publiquement son fils prodigue ; accusé d’avoir vendu cet héritage familial chèrement construit aux adversaires d’hier.
Ce mariage de la carpe et du lapin c’est-à-dire le ralliement de deux partis d’opposition en janvier dernier a surpris plus d’un. Et dire qu’ils menaient encore la fronde du « tous sauf Yayi » - en partie parrainée par le tycoon Patrice Talon - lors des dernières élections législatives d’avril 2015 ; ce qui a permis à Adrien Houngbedji d’accéder au perchoir de l’Assemblée Nationale. Quelle serait la contrepartie, en cas de victoire ? Il serait trop facile d’évoquer des liens amicaux ou familiaux comme prétexte à cette volte-face ; ce serait plutôt la perspective d’une entrée de plusieurs ministres au gouvernement pour Adrien Houngbedji, las d’être un éternel opposant ; un renvoi d’ascenseur gouvernemental pour la gestion de Cotonou, dont Léhady Soglo en est le premier édile. Certes, mais la classe politique sait se mobiliser pour défendre ensemble leur fonds de commerce. Or pour les élections présidentielles 2016, la donne a été complètement bouleversée : les hommes d’affaires ont décidé de poser eux-mêmes leur candidature alors qu’ils se contentaient autrefois de financer les partis politiques tous azimuts.
Chaque pays du continent possède sa propre sociologie politique et le Bénin n’en fait pas exception : l’antagonisme entre le Nord et le Sud apparaît toujours en filigrane ; Nicéphore Soglo fut le seul président de la République (1991-1993) originaire du Sud depuis plus de quarante ans ! Tout comme le clivage entre les grandes villes et les zones rurales, la dimension religieuse rentre également en ligne de compte : plusieurs candidats dont Lionel Zinsou ont fait au mois de janvier le voyage de Savalou - lieu de la 25ème édition de la Fête des religions endogènes – pour s’attirer les bonnes grâces de ces prêtres traditionnels. L’église catholique en déclin penchait en faveur de l'ex-Premier ministre Pascal Irénée Koupaki ; alors que les protestants étaient plutôt affiliés au chef de l’Etat sortant. Outre les nombreux cadeaux distribués au cours des différents meetings, cette campagne électorale a certainement battu le record d’argent dépensé pour s’attacher les services d’agence de communication ou simplement d’acheter le ralliement d’un parti ou des personnalités influentes ; ce qui biaise un peu le choix démocratique.
Tout sauf Lionel Zinsou
Arithmétiquement, le second tour a été plié lorsque les trois candidats poursuivants (Sébastien Ajavon, Abdoulaye Bio Tchané et Pascal Irénée Koupaki) ont décidé d’apporter leur soutien à Patrice Talon. Le principal syndicat des taxis-motos, le Mouvement des Zémidjans [emmène-moi vite] pour un Bénin Emergent (MOZEBE) s’est fourvoyé en lâchant Sébastien Ajavon pour se ranger derrière le Premier ministre sortant, arrivé en tête. Ils sont plus de 300.000 à sillonner tout le territoire, dont plus de 30% circulent à Cotonou. Les Zémidjans sont des figures incontournables dans ce pays pour pallier à l’insuffisance de transports en commun publics. Activité totalement informelle - comme plus de 80% de l’économie nationale - mais tolérée par les gouvernements successifs, leur origine remonte au Plan d’Ajustement Structurel des années 1980 impulsé par les bailleurs de fonds. Cette restriction budgétaire a provoqué la faillite des transports publics et des milliers de chômeurs. Formidable vecteur de propagande au moment des élections car au contact direct avec la population, le MOZEBE aspire enfin à un changement de leur statut pour le moins précaire. Un temps capté par le candidat Sébastien Ajovon, les Zémidjans se sont ravisés entre les deux tours pour soutenir Lionel Zinsou. Celui-ci leur avait promis dès sa nomination en juin 2015 la mise en place un système de microcrédit de 1 milliard FCFA (1,5 million €uros) pour financer un achat de matériel ou leur réparation ainsi qu’un plan de reconversion dans l’agriculture.
Lionel Zinsou - parfois décrié et trop souvent vilipendé - a été rejeté par toute la classe politique. Et le peuple béninois se méfiait également de ce chef de gouvernement – venu de France - nommé trop tardivement par Thomas Yayi Boni. De ce fait, il ne pouvait se prévaloir d’une candidature de rupture par rapport au régime sortant. Deux questions : pourquoi l’a-t-il-choisi comme premier ministre à moins d’un an de sa fin de mandat ? Pourquoi l’a-t-il imposé comme candidat du FCBE aux dépends de ses anciens compagnons de route ? En 2006, Thomas Boni Yayi était un électron libre. Il était le symbole du renouveau face à Mathieu Kérékou au crépuscule de sa longue carrière politique. Il était simplement soutenu par de petits partis politiques avec un leitmotiv : « Ça peut changer ! Ça doit changer ! Ça va changer ! ». A l’instar des partis dits bonapartistes c’est-à-dire une force politique mise uniquement au service de son leader, le FCBE ne survivra pas à l’éclipse de son fondateur donc l’avenir est pour l’instant incertain. En effet, la coprésidence de la COP 21 que Laurent Fabius lui avait promis n’est plus d’actualité. Boni Yayi était en état de grâce les premières années de son premier mandat. Puis au fil du temps, il s’est isolé dans sa tour d’ivoire en voulant se débarrasser des compagnons de lutte des premières heures. Ensuite, la corruption a commencé prendre de l’ampleur alors que le candidat Yayi Boni avait promis de lutter contre cette endémie ! Il a surtout été éclaboussé par le scandale financier de l’ICC Services (Investment Consultancy and Computering Services) en 2010. Il s’agissait d’un placement au taux de rendement alléchant de 200% par an et qui a ruiné plus d’un million d’épargnants. Il a été accusé à l’époque d’avoir favoriser ou donner des passe-droits aux différentes activités de cette société qui, en retour, avait sponsorisé l’écurie politique du chef de l’Etat.
![Bénin : élections présidentielles : L’irrésistible ascension Bénin : élections présidentielles : L’irrésistible ascension](http://www.diasporas-news.com/photo/art/default/9319686-14898948.jpg?v=1460784600)
Le roi Patrice Talon
Vers les années 80, après avoir échoué au concours de l’Ecole Nationale de l’Aviation Civile (ENAC) en France, il décida de créer une boîte de négoce d’engrais, de pesticides. Deux ans plus tard, il créa la Société de Distribution Intercontinentales (SDI), étend son activité dans l’égrenage du coton et se diversifia hors des frontières. Tout en bâtissant sa fortune, il se constitua un réseau en finançant tous azimuts tous les partis politiques à chaque élection majeure. Il décida de miser sur un seul cheval et parraina la candidature de Thomas Yayi Boni en 2006 et encore en 2011. Une stratégie payante à plus d’un titre : en 2008, il remporta l’appel d’offres de la Société Nationale pour la Promotion Agricole (SONAPRA) pour la privatisation de sa division « coton » ; dans un pays où le secteur assure plus de 45% des rentrées fiscales de l’Etat. En 2011, l’ascenseur est renvoyé avant même les élections présidentielles : on lui attribue le Programme de Vérification des Importations (PVI) du port de Cotonou ; il s’agissait du contrôle des taxes douanières sur un flux financier de l’ordre de 1,5 milliard €uros par an. A cet effet, Patrice Talon s’est associé à la Société Générale de Surveillance (SGS) laquelle a mis fin à sa collaboration seulement quelques mois après. Les audits menés quelques années plus tard, dans la filière coton et du PVI, ont mis au jour des preuves de détournements de fonds respectivement de 20 millions €uros et de 18 millions €uros. Responsable au premier chef, il a été entendu par la justice béninoise en 2012. Il a pu quitter le Bénin en catimini pour se mettre au frais en France. L’affaire de l’empoisonnement démarre alors à partir de ce moment-là ! L’animosité réciproque que se vouent Boni Yayi et Patrice Talon remonte-t-elle aux audits financiers diligentés contre ses sociétés ou du refus de parrainage de ce dernier pour l’organisation d’un référendum, option pour un troisième mandat ? L’affaire classée sans suite au Bénin est toujours instruite à Paris. Après trois ans d’exil, le voici de retour à Cotonou en octobre 2015.
Il prend ses fonctions le 6 avril, et ce pour un mandat unique, comme il l’a martelé lors de sa campagne présidentielle. Il a été élu sur un programme libéral ; maintenant, ce sera au pied du mur qu’on voit le maçon. Sa réussite et sa fortune personnelle suscitent beaucoup d’espoirs ; surtout chez les jeunes. Comment gouverner et avec quel premier ministre ? Va-t-il créer un nouveau parti politique ex-nihilo ou s’adossera-t-il sur le PRB de Adrien Houngbedji (une dizaine de parlementaires), qui au lendemain de sa victoire, a déjà quitté le navire amiral - le FCBE - de Lionel Zinsou ? Le FCBE sans ses alliés compte encore 33 députés sur 83 dont les mandats courent jusqu’en 2020. Sauf à vouloir dissoudre l’Assemblée Nationale et provoquer tout de suite une élection législative anticipée, l’Exécutif sera obligé de composer avec. Avant toute modification de la Constitution pour un mandat unique de cinq ans, le président Patrice Talon sera jugé à l’aune de sa relation avec le pouvoir législatif. C’est d’ailleurs une de ses promesses électorales : limiter le pouvoir de l’Exécutif ! Enfin, l’autre danger avec les tycoons devenus président de la République c’est de confondre la cassette publique et le business. En passant outre l’avis des bailleurs de fonds, le président malgache Marc Ravalomanana (2002 – 2009) surnommé le roi du Yaourt fut emporté par son impéritie qui engendra une fronde populaire et un complot d’une oligarchie exaspérés par son népotisme et ses abus de biens sociaux.
Alex ZAKA
Paru dans le Diasporas-News n°73 d'Avril 2016
Vers les années 80, après avoir échoué au concours de l’Ecole Nationale de l’Aviation Civile (ENAC) en France, il décida de créer une boîte de négoce d’engrais, de pesticides. Deux ans plus tard, il créa la Société de Distribution Intercontinentales (SDI), étend son activité dans l’égrenage du coton et se diversifia hors des frontières. Tout en bâtissant sa fortune, il se constitua un réseau en finançant tous azimuts tous les partis politiques à chaque élection majeure. Il décida de miser sur un seul cheval et parraina la candidature de Thomas Yayi Boni en 2006 et encore en 2011. Une stratégie payante à plus d’un titre : en 2008, il remporta l’appel d’offres de la Société Nationale pour la Promotion Agricole (SONAPRA) pour la privatisation de sa division « coton » ; dans un pays où le secteur assure plus de 45% des rentrées fiscales de l’Etat. En 2011, l’ascenseur est renvoyé avant même les élections présidentielles : on lui attribue le Programme de Vérification des Importations (PVI) du port de Cotonou ; il s’agissait du contrôle des taxes douanières sur un flux financier de l’ordre de 1,5 milliard €uros par an. A cet effet, Patrice Talon s’est associé à la Société Générale de Surveillance (SGS) laquelle a mis fin à sa collaboration seulement quelques mois après. Les audits menés quelques années plus tard, dans la filière coton et du PVI, ont mis au jour des preuves de détournements de fonds respectivement de 20 millions €uros et de 18 millions €uros. Responsable au premier chef, il a été entendu par la justice béninoise en 2012. Il a pu quitter le Bénin en catimini pour se mettre au frais en France. L’affaire de l’empoisonnement démarre alors à partir de ce moment-là ! L’animosité réciproque que se vouent Boni Yayi et Patrice Talon remonte-t-elle aux audits financiers diligentés contre ses sociétés ou du refus de parrainage de ce dernier pour l’organisation d’un référendum, option pour un troisième mandat ? L’affaire classée sans suite au Bénin est toujours instruite à Paris. Après trois ans d’exil, le voici de retour à Cotonou en octobre 2015.
Il prend ses fonctions le 6 avril, et ce pour un mandat unique, comme il l’a martelé lors de sa campagne présidentielle. Il a été élu sur un programme libéral ; maintenant, ce sera au pied du mur qu’on voit le maçon. Sa réussite et sa fortune personnelle suscitent beaucoup d’espoirs ; surtout chez les jeunes. Comment gouverner et avec quel premier ministre ? Va-t-il créer un nouveau parti politique ex-nihilo ou s’adossera-t-il sur le PRB de Adrien Houngbedji (une dizaine de parlementaires), qui au lendemain de sa victoire, a déjà quitté le navire amiral - le FCBE - de Lionel Zinsou ? Le FCBE sans ses alliés compte encore 33 députés sur 83 dont les mandats courent jusqu’en 2020. Sauf à vouloir dissoudre l’Assemblée Nationale et provoquer tout de suite une élection législative anticipée, l’Exécutif sera obligé de composer avec. Avant toute modification de la Constitution pour un mandat unique de cinq ans, le président Patrice Talon sera jugé à l’aune de sa relation avec le pouvoir législatif. C’est d’ailleurs une de ses promesses électorales : limiter le pouvoir de l’Exécutif ! Enfin, l’autre danger avec les tycoons devenus président de la République c’est de confondre la cassette publique et le business. En passant outre l’avis des bailleurs de fonds, le président malgache Marc Ravalomanana (2002 – 2009) surnommé le roi du Yaourt fut emporté par son impéritie qui engendra une fronde populaire et un complot d’une oligarchie exaspérés par son népotisme et ses abus de biens sociaux.
Alex ZAKA
Paru dans le Diasporas-News n°73 d'Avril 2016