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Centrafrique : 2016, année de l’espoir ?

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Le palais de la Renaissance de Bangui attend son nouveau locataire. Une transition ne doit pas s’éterniser au risque de se faire taxer de pouvoir putatif. L’heure est donc à la mise en place des institutions et de l’avènement d’un chef d’Etat légitimé par les urnes pour entamer le long redressement du pays.
Centrafrique : 2016, année de l’espoir ?
Nouveau président, nouvelle constitution
2016 marquera-t-elle enfin le retour à l’ordre constitutionnel ? Le second tour des élections présidentielles aura lieu le 16 février 2016. Il s’agit d’un scrutin majeur parmi la série qui se déroule depuis le mois de décembre 2015 : en date du 13, le référendum constitutionnel ; le 30 du même mois, les élections présidentielles et législatives. Majeur car il permettra de désigner l’homme qui sera chargé de sortir le pays de la situation déplorable due aux impérities de ses prédécesseurs depuis quelques décennies ; avec en apothéose, une désintégration totale de la République Centrafricaine provoquée par la chute du général Bozizé en 2013.
L’élection générale du 30 décembre a été passée sous le tamis juridique du Conseil Constitutionnel. Verdict annoncé par les sages le 25 janvier dernier : le premier tour des législatives a été annulé à causes « de nombreuses irrégularités et l’implication de candidats dans ces irrégularités ». Par contre, l’élection présidentielle a été validée alors qu’elle s’était déroulée le même jour et dans les mêmes bureaux de vote des 140 circonscriptions électorales !
Ainsi donc, deux finalistes se sont qualifiés à l’issue du premier tour : Anicet Georges Dologuélé avec 281.420 voix exprimées (soit 23,78%) et Faustin Archange Touadéra alias FAT récoltant 229.764 voix (soit 19,42%). Malgré les difficultés liées à l’organisation de ces élections, 1.954.433 électeurs se sont déplacés dans les bureaux de vote. Et même les réfugiés ou les déplacés dans les pays voisins (5 à 6% du corps électoral) ont pu accomplir leur devoir. Cela traduit-il réellement la volonté d’un peuple qui aspire à tourner la page de ces années de plomb ? En tout cas, leur choix privilégie l’expérience. Exit donc, le candidat de la France, Martin Ziguéle appelé le « Sphinx de Paoua » (MLPC) - classé 4ème avec seulement 10,82% ; mais aussi Abdou Karim Meckassoua recalé à 3,21%. Apparemment, le nguiri (la valise de billets) de son parrain Denis Sassou Nguesso ne lui avait pas suffit ! A la différence des 30 impétrants et hormis Martin Ziguéle ou Elie Doté, les deux candidats sont des hommes qui connaissent le fonctionnement et les rouages de l’Etat. Ils ont déjà été, en leur temps, premier ministre : Anicet Georges Dologuélé entre 1999 et 2001 sous le régime de feu Ange Félix Patassé ; tandis que FAT fut chef de gouvernement de 2008 à 2013 du président François Bozizé. Le premier a mené une campagne à l’américaine ; ce qui a fait de lui le favori des sondages et des journalistes. Et ce, d’autant plus qu’il a obtenu le soutien politique, logistique et financier du parti du Kwa Na Kwa (KNK) - l’écurie de François Bozizé – qui a encore su garder une certaine base électorale. L’Union pour le Renouveau Centrafricain (URCA) du candidat Anicet Georges Dologuélé a effectivement signé un accord politique avec le KNK le 22 décembre c’est-à-dire quelques jours seulement avant la date prévue du premier tour. Pourquoi le président François Bozizé et le KNK ont-ils lâché leur ancien premier ministre FAT ? L’ancien chef d’Etat a sans doute considéré comme un oukase la candidature annoncée dès le mois d’août de son ancien collaborateur. Alors que celui-ci n’en faisait pas un mystère en déclarant que « ma candidature et celle de François Bozizé ne peuvent être concurrentielles. Je me retirerai si jamais l’ancien président venait à être candidat aux prochaines élections ». Existerait-il un accord secret entre Anicet Georges Dologuélé et Kangara [le surnom de François Bozizé] ? En contrepartie du soutien sans faille du KNK, une fois élu à la magistrature suprême, il ne coopérera pas avec la Cour Pénale Internationale en cas d’éventuelles poursuites contre Kangara. En effet, celui-ci est fortement soupçonné d’avoir dirigé en sous-main la milice anti-balaka.

Centrafrique : 2016, année de l’espoir ?
Sauf que le grand favori des élections présidentielles Anicet Georges Dologuélé culmine à moins de 25% des voix au sortir du premier tour. En face, une vingtaine de candidats à la présidentielle ont décidé de soutenir FAT au second tour ; ce qui lui vaut un report favorable de 20% environ. L’issue du scrutin dépendra donc de la consigne de vote au sein de l’alliance entre le Rassemblement Démocratique Centrafricain (RDC) de Desiré Kolingba avec 12,60% et du MPLC de Martin Ziguelé et ses 10,80% de voix. Toutefois, l’arithmétique électorale dans nos contrées n’a jamais été une science exacte ; elle reste tributaire d’un réflexe régionaliste, ethnique et religieux.
93% de « oui » !
Un plébiscite pour le référendum constitutionnel du 13 décembre. Les experts chargés de rédiger le document ont fait appel aux mânes de Barthélémy Boganda, le père de la Nation : Zo Kwe Zo (un homme en vaut un autre, en sango). Il s’agit d’une variante du fameux adage de Georges Clémenceau : les cimetières sont pleins de gens irremplaçables. Autrement dit, le premier magistrat de l’Etat doit désormais se conformer au strict respect de la Constitution et éviter de l’amender pour essayer de déplafonner le nombre de mandat de cinq ans qui est fixé au nombre de deux. Autrement, l’article 63 instaure un parlement à deux chambres : l’Assemblée Nationale et le Sénat. Les membres de ce dernier devrait être élu au suffrage indirect et dépend des grands électeurs c’est-à-dire les conseillers municipaux et régionaux dont on ignore encore quand aura lieu leurs élections !
 

Centrafrique : 2016, année de l’espoir ?
La transition : quel bilan ?
Ces enjeux de la démocratie, décrits précédemment, semblent pour le moins surréalistes au regard de la situation d’insécurité et d’instabilité qui prévaut dans tout le pays. Les propos d’un homme de terrain valent toutes les expertises. Il s’agit de Lewis Mudge de la division « Afrique » de l’ONG Human Rights Watch qui pensait que « ce n’est pas raisonnable d’avoir des élections législatives et présidentielle dans un contexte de guerre ». Depuis la marche de la Séléka sur Bangui – partie du Nord en décembre 2012 - pour chasser le président François Bozizé du pouvoir en mars 2013, les morts se comptent par milliers et les réfugiés ou déplacés en centaine de milliers. En réponse aux exactions des soudards de la Séléka, les miliciens chrétiens ou animistes anti-balaka se sont également acharnés sur la population de confession musulmane ; ce qui a provoqué un cycle de violences sans fin. Sans l’intervention des Etats de la CEEAC, de la MINUSCA et de la France venus à la rescousse du gouvernement de transition dirigé par Catherine Samba-Panza dès février 2014, la Centrafrique serait tombée bien plus bas. Il a d’abord fallu exfiltrer le président par intérim de la rébellion Michel Djotodia ; ensuite, reléguer hors de Bangui la horde des miliciens de la Séléka et enfin éviter une guerre confessionnelle entre chrétiens et musulmans. Malgré la présence des casques bleus et du contingent français de Sangaris, le territoire n’est toujours pas totalement pacifié. Bangui est sous tension permanente ; des quartiers musulmans et commerçants comme le PK 5 ou le PK 12 sont devenus des ghettos. Les miliciens de la Séléka cantonnés un moment dans les casernes se sont éparpillés et continuent de semer la terreur. Ils forment aujourd’hui quatre groupes armés qui sévissent dans le Centre du pays et vers le Nord. L’Ouest du pays est plutôt contrôlé par les miliciens anti-balaka qui arraisonnent les camions de transport de produits de première nécessité en provenance du Cameroun. L’absence de force de sécurité dans les zones reculées du Nord et de l’Est arrange les affaires des différents groupes armés du Sud-Soudan ou d’Ouganda. On aurait aperçu tout récemment à la frontière orientale des hommes de la LRA (l’Armée de Résistance du Seigneur) de Joseph Kony faire des échanges d’armes contre du diamant ou des vivres avec des miliciens de la Séléka.
La feuille de route 2015 a été consignée dans l’acte du Forum National de Bangui (FNB) du mois de mai 2015. Elle détermine entre autres la durée de la transition. Sensée se terminer le 30 décembre 2015, celle-ci aura encore été prorogée jusqu’au 31 mars 2016. Catherine Samba-Panza a su tant bien que mal mener la « barque centrafricaine » jusqu’à bon port c’est-à-dire sauver l’essentiel : l’organisation des élections. Les affrontements violents du mois de septembre à Bangui et les troubles qui ont émaillé plusieurs bureaux de vote lors différents scrutins auraient pu faire vaciller le gouvernement voire entraver le résultat des élections. Mais grâce à la présence des forces internationales, la RCA voit son horizon politique s’éclaircir un peu. En effet, la résignation et l’exaspération commençaient à poindre parmi les soutiens de la Centrafrique. La France et ses milliers de soldats de l’opération Sangaris veulent se désengager rapidement de ce bourbier centrafricain. Les pays membres de la CEEAC, souvent sollicités pour renflouer la caisse de l’Etat ou payer les fonctionnaires, s’inquiètent de la dérive budgétaire et des prévarications des autorités de la transition ; et surtout du risque de contagion de ce cycle de violences qui rejettent des milliers de réfugiés chez eux. L’Union Européenne qui a promis une enveloppe globale de 100 millions €uros conditionne désormais cette aide par un retour à l’ordre constitutionnel. Les 12.000 casques bleus de la MINUSCA ainsi que les aides humanitaires pour sauver la RCA du naufrage ont été estimés à plus de 500 millions €uros ; même si seulement 20% de cette somme a été réellement décaissée. Bref, l’heure est maintenant à une solution politique !
 

Centrafrique : 2016, année de l’espoir ?
Les chantiers à venir
Dans son adresse à la Nation en début d’année, Catherine Samba-Panza a réaffirmé le rôle historique du Forum National de Bangui qu’elle considère comme le pacte républicain pour la paix. Il s’agit pour elle d’un passage de témoin à son futur successeur. Le PNB « pose les bases d’un nouveau contrat social entre toutes les composantes du peuple centrafricain » c’est-à-dire les termes de la réconciliation nationale et de la reconstruction du pays. Aussi symbolique fusse-t-elle, l’escale banguissoise du souverain pontife crée de l’espoir dans ce chaos ; « chrétiens et musulmans, nous sommes frères » ; tel fut le message du pape François lors des sa visite à la mosquée centrale de Koudoukou (Bangui) en novembre dernier. Selon les statistiques de Médecins Sans Frontières (2015), environ 460.000 centrafricains sont réfugiés dans les pays voisins tels que la RDC, le Tchad, le Cameroun ; et à peu près l’équivalent sont déplacés à l’intérieur même du pays. Au total, 20% de la population ont fuit leur domicile depuis 2013. Est-ce-que Bangui, la ville cosmopolite retrouvera-t-elle un jour son harmonie d’antan ? Le blocus perpétré contre les habitants musulmans du PK 5 par des miliciens anti-balaka n’augure pas à l’optimisme ; même si la création d’une Commission vérité, justice et réconciliation, ainsi que la mise en place de comités locaux de paix avait acté lors du Forum de Bangui. Quant au processus de Désarmement, Démobilisation et Réinsertion (DDR) des milices ainsi que les déserteurs des Forces Armées Centrafricaines (FACA), ne doit-il pas être mené en collaboration avec la MINUSCA ? Rappelons juste que le régime de François Bozizé est tombé en grande partie à cause de l’échec d’une opération DDR. Les fonds destinés à engager l’opération ont été dilapidés ; ce qui provoqua la création de groupes rebelles (UFDR et Séléka) du Nord.

Alex ZAKA

Paru dans le Diasporas-News n°71 de Février 2016


 


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