Les résultats de l’audit de la Transition et des investigations sur la gestion des parcelles sont connus depuis plusieurs jours au Burkina Faso. La gouvernance financière sous le régime de la Transition est entachée d’irrégularités. L’ancien Premier ministre Yacouba Isaac Zida et certaines personnalités de son cabinet sont rendus responsables de plusieurs malversations selon les rapports de l’ASCE-LC (l’Autorité supérieure de contrôle d’Etat et de lutte contre la corruption).
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« Plus rien ne sera comme avant ». On reconnaissait au régime de la Transition des discours rassurants flanqués de slogans historiques. Et pourtant… Vendredi 22 avril 2016, à Ouagadougou, à travers une conférence de presse, l’Autorité supérieure de Contrôle d’Etat et de Lutte contre la Corruption (ASCE-LC) a rendu public le «Rapport de synthèse de l’audit/investigations de la Transition » et les «Résultats des investigations relatives aux allégations sur des ventes de parcelles par la SONATUR (Société nationale d’aménagement des terrains urbains)» ayant révélé de nombreuses irrégularités et un « régime de faveur accordé à certaines autorités ».
En 2015, sous la Transition, plusieurs passations des marchés publics et des commandes publiques ont été abusivement effectuées surtout sans aucune transparence. Il ressort que sur les 1 238 commandes publiques, 348 sont passées gré à gré ou à l’issue d’un appel d’offres restreint. Ce qui représente 63 milliards de F CFA sur un total de 114 milliards; soit un taux de plus de 55% dépassant largement le seuil de 15% fixé pour les procédures exceptionnelles par l’UEMOA (Union économique et monétaire ouest-africaine) et faisant plus de la moitié du budget total des achats effectués par le service public. Même si cette situation pourrait s’expliquer par le « contexte exceptionnel de la Transition, caractérisé par une forte demande sociale », il est à noter qu’elle « a pour conséquence des risques élevés de collusion, de corruption, d’enrichissement illicite et de gaspillage des ressources budgétaires », a indiqué Luc Marius Ibriga, Contrôleur général d’Etat. « C’est sûrement l’urgence dans laquelle a voulu agir la Transition pour combler les fortes attentes au niveau social qui a conduit à ce recours massif aux procédures de gré à gré », relativise Jean-Pierre Siribié, Secrétaire général de l’ASCE-LC.
De nombreuses dépenses dont certaines sont jugées inéligibles ont été effectuées de façon complaisante et surtout sans pièces justificatives valides. Le contrôle des comptes de dépôt a révélé plus de 5 milliards de F CFA dépensés de façon irrégulière dont près de 10% inéligibles, tandis que des dépenses de 485 millions F CFA effectuées sur le compte de régies d’avance dont 31 millions jugées inéligibles, se sont révélées aussi irrégulières. Relevant une « gestion irrationnelle et peu transparente du carburant », l’ASCE-LC a indiqué que sur une consommation totale de 7,6 milliards de F CFA, près de 633 millions ont été irrégulièrement dépensés. «Ces dépenses sont mises à la charge de ceux qui devraient les justifier. Il appartient à l’autorité hiérarchique qui a reçu le rapport de prendre les procédures nécessaires », a précisé Luc Marius Ibriga. Mais selon l’audit, « Cette situation est tributaire de la faiblesse interne au sein de l’administration publique ».
En ligne de mire, l’ancien Premier ministre Yacouba Isaac Zida et plusieurs départements ministériels rendus coupables de ces malversations financières. Parmi ces ministères, on cite ceux de l’Administration territoriale, de la Décentralisation et de la Sécurité ; de l’Education nationale et de l’Alphabétisation ; de l’Industrie, du Commerce et de l’Artisanat ; de l’Agriculture, des Ressources hydrauliques, de l’Assainissement et de la Sécurité alimentaire ; des Infrastructures, du Désenclavement et des Transports ; de l’Economie et des Finances et le ministère des Enseignements Secondaire et Supérieur.
Des investigations de l’ASCE-LC, il ressort des ventes présumées fraudeuses de parcelles. Des attributions ont été faites en faveur de certains membres du gouvernement de la Transition et de leurs proches.
L’ancien Premier ministre Yacouba Isaac Zida est cité lui aussi comme attributaire d’une parcelle estimée à une superficie de 7 746 m2 à raison de 8 000 F CFA le m2 qui lui avait été retirée en 2008 sans lettres de relance de paiement des frais ni notification et attribuée à une société SENI qui l’a soldée tardivement en avril 2015. Une parcelle de 7 848 m2 au côté nord-ouest du Monument des Martyrs qui a coûté 8000 F CFA le m2 a été attribuée à son épouse Rihanata Kaboré. L’attribution d’une superficie de 18 993 m2 à la Fondation Zida pour le Burkindi (FZB) dont il est le président, suite à la demande de son Directeur exécutif Fousséni Ouédraogo, a été révélée. Les réaménagements en plusieurs lots d’un espace d’une superficie de 50 000 m2 en face de l’Ambassade des Etats-Unis « n’ont pas respecté les dispositions du Code de l’urbanisme qui prévoit l’obtention d’une autorisation préalable du Conseil des ministres », selon Luc Marius Ibriga. A l’en croire, « La gestion de l’attribution des parcelles est entachée d’un manque d’éthique, d’équité, de transparence et d’impartialité, ce qui constitue un terreau fertile à la spéculation foncière ». « La fixation du prix d’acquisition des parcelles est souvent faite à la tête du client, sans égard au prix réel », peste-il avant d’ajouter que 352 parcelles ont été retirées et 327 réattribuées.
Par ailleurs, l’ACSE-LC recommande, entre autres, la suspension des attributions des parcelles et leur retrait pour non-respect des délais de paiement, un audit profond des attributions et ventes de parcelles, l’ouverture d’une enquête sur l’existence éventuelle des réseaux obscurs.
D'octobre 2014 à décembre 2015, en 03 mois, bien que rendu coupable de mauvaise gestion, le gouvernement de la Transition n’a pourtant pas démérité. « Des efforts » ont été quand même faits pour corriger tant soit peu la gouvernance catastrophique laissé par le régime de Blaise Compaoré chassé du pouvoir par la rue. C’est aussi ce gouvernement qui a organisé le premier scrutin démocratique, crédible et transparent salué par tous dans ce pays qui vient de sortir d’une dictature militaire. Mais cela n’empêche de faire le bilan et de laisser la justice s’occuper des présumées brebis galeuses qui auraient voulu profiter de l’aubaine.
En tout cas, l’ASCE-LC ne compte pas s’arrêter là. Elle garantit un audit annuel et régulier des comptes publics. Un message fort au Président Roch Marc Christian Kaboré et son gouvernement (très) attendus au tournant de l’histoire.
Pierre-Claver KUVO
Paru dans le Diasporas-News n°74 de Mai 2016
En 2015, sous la Transition, plusieurs passations des marchés publics et des commandes publiques ont été abusivement effectuées surtout sans aucune transparence. Il ressort que sur les 1 238 commandes publiques, 348 sont passées gré à gré ou à l’issue d’un appel d’offres restreint. Ce qui représente 63 milliards de F CFA sur un total de 114 milliards; soit un taux de plus de 55% dépassant largement le seuil de 15% fixé pour les procédures exceptionnelles par l’UEMOA (Union économique et monétaire ouest-africaine) et faisant plus de la moitié du budget total des achats effectués par le service public. Même si cette situation pourrait s’expliquer par le « contexte exceptionnel de la Transition, caractérisé par une forte demande sociale », il est à noter qu’elle « a pour conséquence des risques élevés de collusion, de corruption, d’enrichissement illicite et de gaspillage des ressources budgétaires », a indiqué Luc Marius Ibriga, Contrôleur général d’Etat. « C’est sûrement l’urgence dans laquelle a voulu agir la Transition pour combler les fortes attentes au niveau social qui a conduit à ce recours massif aux procédures de gré à gré », relativise Jean-Pierre Siribié, Secrétaire général de l’ASCE-LC.
De nombreuses dépenses dont certaines sont jugées inéligibles ont été effectuées de façon complaisante et surtout sans pièces justificatives valides. Le contrôle des comptes de dépôt a révélé plus de 5 milliards de F CFA dépensés de façon irrégulière dont près de 10% inéligibles, tandis que des dépenses de 485 millions F CFA effectuées sur le compte de régies d’avance dont 31 millions jugées inéligibles, se sont révélées aussi irrégulières. Relevant une « gestion irrationnelle et peu transparente du carburant », l’ASCE-LC a indiqué que sur une consommation totale de 7,6 milliards de F CFA, près de 633 millions ont été irrégulièrement dépensés. «Ces dépenses sont mises à la charge de ceux qui devraient les justifier. Il appartient à l’autorité hiérarchique qui a reçu le rapport de prendre les procédures nécessaires », a précisé Luc Marius Ibriga. Mais selon l’audit, « Cette situation est tributaire de la faiblesse interne au sein de l’administration publique ».
En ligne de mire, l’ancien Premier ministre Yacouba Isaac Zida et plusieurs départements ministériels rendus coupables de ces malversations financières. Parmi ces ministères, on cite ceux de l’Administration territoriale, de la Décentralisation et de la Sécurité ; de l’Education nationale et de l’Alphabétisation ; de l’Industrie, du Commerce et de l’Artisanat ; de l’Agriculture, des Ressources hydrauliques, de l’Assainissement et de la Sécurité alimentaire ; des Infrastructures, du Désenclavement et des Transports ; de l’Economie et des Finances et le ministère des Enseignements Secondaire et Supérieur.
Des investigations de l’ASCE-LC, il ressort des ventes présumées fraudeuses de parcelles. Des attributions ont été faites en faveur de certains membres du gouvernement de la Transition et de leurs proches.
L’ancien Premier ministre Yacouba Isaac Zida est cité lui aussi comme attributaire d’une parcelle estimée à une superficie de 7 746 m2 à raison de 8 000 F CFA le m2 qui lui avait été retirée en 2008 sans lettres de relance de paiement des frais ni notification et attribuée à une société SENI qui l’a soldée tardivement en avril 2015. Une parcelle de 7 848 m2 au côté nord-ouest du Monument des Martyrs qui a coûté 8000 F CFA le m2 a été attribuée à son épouse Rihanata Kaboré. L’attribution d’une superficie de 18 993 m2 à la Fondation Zida pour le Burkindi (FZB) dont il est le président, suite à la demande de son Directeur exécutif Fousséni Ouédraogo, a été révélée. Les réaménagements en plusieurs lots d’un espace d’une superficie de 50 000 m2 en face de l’Ambassade des Etats-Unis « n’ont pas respecté les dispositions du Code de l’urbanisme qui prévoit l’obtention d’une autorisation préalable du Conseil des ministres », selon Luc Marius Ibriga. A l’en croire, « La gestion de l’attribution des parcelles est entachée d’un manque d’éthique, d’équité, de transparence et d’impartialité, ce qui constitue un terreau fertile à la spéculation foncière ». « La fixation du prix d’acquisition des parcelles est souvent faite à la tête du client, sans égard au prix réel », peste-il avant d’ajouter que 352 parcelles ont été retirées et 327 réattribuées.
Par ailleurs, l’ACSE-LC recommande, entre autres, la suspension des attributions des parcelles et leur retrait pour non-respect des délais de paiement, un audit profond des attributions et ventes de parcelles, l’ouverture d’une enquête sur l’existence éventuelle des réseaux obscurs.
D'octobre 2014 à décembre 2015, en 03 mois, bien que rendu coupable de mauvaise gestion, le gouvernement de la Transition n’a pourtant pas démérité. « Des efforts » ont été quand même faits pour corriger tant soit peu la gouvernance catastrophique laissé par le régime de Blaise Compaoré chassé du pouvoir par la rue. C’est aussi ce gouvernement qui a organisé le premier scrutin démocratique, crédible et transparent salué par tous dans ce pays qui vient de sortir d’une dictature militaire. Mais cela n’empêche de faire le bilan et de laisser la justice s’occuper des présumées brebis galeuses qui auraient voulu profiter de l’aubaine.
En tout cas, l’ASCE-LC ne compte pas s’arrêter là. Elle garantit un audit annuel et régulier des comptes publics. Un message fort au Président Roch Marc Christian Kaboré et son gouvernement (très) attendus au tournant de l’histoire.
Pierre-Claver KUVO
Paru dans le Diasporas-News n°74 de Mai 2016