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Dossier: Environnement: Clap de fin pour la COP 21 - Accord de Paris

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La 21ème Conférence des Parties (COP) : succès politique, sans aucun doute ; accord historique, l’avenir nous le dira. Le résultat est différent selon les lunettes qu’on porte pour lire le texte final. Le protocole de Kyoto a été signé en 1997, rentré en vigueur en 2002 et jeté aux orties en 2013 ; donc pour l’Accord de Paris, rendez-vous au plus tôt en 2020.
Dossier: Environnement: Clap de fin pour la COP 21 - Accord de Paris
Il est des symboles et des évènements qui jalonnent notre histoire contemporaine. Le fameux coup de marteau vert de Laurent Fabius ministre des Affaires Etrangères français restera-t-il dans les annales des relations internationales comme le fut le martèlement de chaussure de Nikita Kroutchev à la tribune des Nations-Unies en 1960 ? Pour avoir eu le courage de recevoir la COP 21 - aucun pays industrialisé ne l’avait accepté après le fiasco de Copenhague en 2009 - la France a indéniablement obtenu un succès diplomatique.
Le président de la COP 21 déclara que « ce marteau est petit, mais il peut faire de grandes choses » c’est-à-dire l’engagement de 189 pays sur 195 sur l’avenir de la planète pour le XXIème siècle. En dehors de toutes polémiques et critiques, ce consensus restera (peut-être) dans l’histoire. Nos dirigeants ont enfin pris conscience que notre existence commune est en danger et que chacun de nous doit, dès à présent, y mettre du sien ; et surtout pour les générations futures. Il faut comprendre le postulat de départ même si les chiffres sont souvent abstraits et quelques peu subjectifs. Scientifiquement, la concentration de CO², l’augmentation de température et du niveau de la mer ne cesseront de croître ; et ce à cause de l’effet cumulatif des émissions de gaz dans l’atmosphère et de l’inertie du système. Et pourquoi avoir sonné le tocsin ? Si on applique les mesures contraignantes dès aujourd’hui, au mieux la courbe s’infléchirait à partir de 2030. En fait, l’Accord signé à Paris dépasse largement notre horizon d’un siècle !
 

Dossier: Environnement: Clap de fin pour la COP 21 - Accord de Paris
Que revêt cet Accord de Paris ?
En résumé, les pays se sont fixé un objectif de contenir l’augmentation de la température de 2°C et pouvoir la limiter à 1,5°C [par rapport aux niveaux préindustriels]. Traduit en CO², ceci équivaut aujourd’hui à 49 milliards équivalent tonnes de CO² émis par an ; ils devaient encore augmenter à 57 milliards. Et les 2°C correspondent à un objectif de 40 milliards. Deuxièmement, les INDC (Intended Nationally Determined Contributions) ou contributions nationales seront actualisées tous les cinq ans. Et enfin, les pays industrialisés ont réitéré leur promesse d’un Fonds Vert de 100 milliards $ par an - comme en 2009 - aux pays en développement pour leur l’adaptation aux changements climatiques. Maintenant pour que cet Accord puisse entrer en vigueur en 2020, il faut qu’il soit adopté à la prochaine COP de Marrakech en 2016 ; ensuite que les 195 Etats le signent avant avril 2017 ; qu’il soit enfin ratifié par les parlements de chaque pays. Le cas échéant, il pourra tout de même s’appliquer si 55 Etats représentants au moins 55% des émissions de CO²  ont ratifié le dit Accord !
Toutefois, une plongée dans les cuisines de la COP 21 montre les arguties juridiques et les glissements sémantiques qui ont fini par emporter l’adhésion de tous les négociateurs. Quelques voix dissonantes ont été étouffées ; c’est le cas de Paul Oquist Kelley, le représentant du Nicaragua qui avait dénoncé « la responsabilité historique des pays industrialisés ». En conséquence de quoi, il réclama vainement la mise en place d’un fonds d’indemnisation. Le contenu final de la quinzaine parisienne est contenu dans un document en deux parties d’une trentaine de pages : d’une part, les « Décisions COP » de 20 pages - une sorte d’annexe - et d’autre part, le reliquat pour l’Accord proprement dit. Ce dernier est juridiquement contraignant pour un Etat signataire, si son parlement le ratifiera un jour. Donc tous les sujets qui fâchent ont été escamotés dans le compartiment n°1 c’est-à-dire les « Décisions COP ». Si bien qu’au bout du compte, il ne restait plus que 29 articles dans le futur Traité alors que les « Décisions » ne font pas moins de 140 articles.

Dossier: Environnement: Clap de fin pour la COP 21 - Accord de Paris
Parmi les concessions du ministre des Affaires Etrangères Laurent Fabius, coiffé de la casquette de président de la COP 21, figurent des pans entiers du secteur économique. Par exemple, les transports aérien et maritime qui émettent environ 10% de gaz à effets de serre mondial (l’équivalent du rejet de l’Allemagne et la Corée du Sud réunis) ont été exclus de l’Accord sur demande expresse de l’Union Européenne. L’Arabie Saoudite et quelques pays (Inde, Australie, Egypte, Etats-Unis…) qui utilisent le charbon en quantité pour leur économie, continueront d’exploiter leurs énergies fossiles lesquelles ont été occultées. Les sociétés d’extraction de ces matières premières bénéficieraient encore aujourd’hui de 5.300 milliards $ de subventions gouvernementales ; un chiffre à comparer avec les 100 milliards $ réclamés par les pays en développement et les plus vulnérables ! Selon le FMI, rien que la suppression de ces subventions permettrait de réduire de 20% les émissions de gaz à effet de serre.
Ainsi parler de Traité serait un bien grand mot ; « mémorandum » conviendrait mieux au document qui a été signé à Paris. Les Politiques, qui ont succédé aux négociateurs, ont donné une direction de ce qui serait souhaitable de faire pour l’avenir. Chaque pays devra apporter sa contribution - une disposition qui date déjà du Sommet de Rio en 1992 - avec une revue d’étape intermédiaire tous les cinq ans, et ce jusqu’en 2050. Même si l’Accord de Paris est politiquement contraignant pour un Etat, L’ONU n’a aucun pouvoir de sanction ni de coercition sur un Etat. D’ailleurs, l’article 28 le stipule « un pays aura (toujours) la possibilité de quitter l’Accord, trois ans après son entrée en vigueur ». Elle pose la question de la gouvernance mondiale et le rôle dévolu aux Nations-Unies. Ce logiciel onusien, crée au lendemain de la seconde Guerre Mondiale, est-il encore adapté à notre monde d’aujourd’hui ? A la suite de la crise financière internationale de 2008, le club des pays riches se sont élargis pour se regrouper au sein du G20. L’Organisation Mondiale de Commerce (OMC) régit le commerce mondial tant bien que mal mais elle détient des leviers pour faire fléchir les pays récalcitrants. La finance mondiale et la bourse ont leur gendarme (FMI, BRI…), en l’occurrence les banques centrales de chaque pays et les autorités de régulation financière supranationale. Jean Tirole, prix Nobel d’économie 2014, voudrait la création d’une vaste coalition de gros pollueurs qui engloberait plus de 65% des émissions de CO².
 
L’avenir de la lutte contre le changement climatique
L’autre phénomène de ce siècle naissant est le déplacement du centre de gravité du pouvoir : du politique vers le secteur privé. Il existe actuellement des multinationales qui sont plus puissantes qu’un Etat. Face à l’impuissance d’une autorité supranationale, le système capitaliste reste le dernier recours pour mettre tout le monde d’accord ; la régulation des émissions de CO² passera par le marché du « carbone ». Malheureusement, les pays défavorisés serviront encore de variables d’ajustement c’est-à-dire des victimes collatérales même si la promesse d’une redistribution de la manne financière sera actée dans les accords sur le climat.
Les économistes ont été frustrés du résultat de la COP 21 face à la trop grande prudence des négociateurs face à la tarification du carbone. En d’autres termes, ils souhaitent qu’on donne un prix aux inconvénients liés à l’émission de CO². Le protocole de Kyoto (à partir de 2005) avait déjà institué le marché international du carbone. Parallèlement les pays pouvaient également proposer des systèmes de bonus/malus ou de quotas. Ainsi plusieurs marchés régionaux (Europe, Asie, Amérique) ont vu le jour. Mais ce commerce des droits à polluer se limite à la gestion des émissions de CO² mais non pas à la réduction. De plus, les banques internationales se sont engouffrées sur ce nouveau créneau – au même titre que les matières premières - en créant un marché à terme à des fins purement spéculatives. Actuellement, la tonne de carbone vaut 8 €uros ; un prix insuffisant pour modifier en profondeur les comportements des acteurs économiques et leur façon de produire ? Ce en quoi les économistes ont en partie raison. Un prix suffisamment élevé inciterait des capitalistes (banques, fonds de pension…) à investir dans les secteurs des énergies renouvelables ou des technologies « propres ». Grâce à un prix « carbone » élevé, les pays en développement arbitreraient également en faveur de la préservation de leur forêt dans la mesure où le crédit carbone (prix par hectare préservé) est supérieur au cours de l’huile de palme, du colza ; des cultures dévastatrices de biodiversité et de nappes phréatiques. Pourquoi l’OMC ne serait-elle pas associée à la lutte contre le changement climatique ? Ainsi, on pourrait contraindre les pays qui ne respecteraient pas le prix du carbone par la mise en place d’une taxe additive sur leurs marchandises exportées.
Revenons aux énergies fossiles. Si les Etats suppriment les subventions octroyées, les actifs des banques, des hedges funds et des multinationales qui ont investis dans ce secteur vont se déprécier car cette mesure provoquera des coûts d’extraction supplémentaires. C’est une manière contraignante d’orienter les budgets de Recherche et Développement vers les énergies renouvelables. D’ailleurs à la COP 21, Bill Gates le fondateur de Microsoft a été reçu avec les honneurs dignes d’un chef d’Etat. Il a mis sur la table 2 milliards $ - l’équivalent de ce que la France a promis pour l’Afrique – pour fabriquer à bas coût des matériels pour stocker le carbone et les mettre à disposition des pays pauvres. Et il s’est engagé également à collecter des fonds de l’ordre de 10 à 15 milliards $ auprès d’autres milliardaires pour investir dans les énergies renouvelables. Est-ce-de la pure philanthropie ou le climat est-il devenu le nouvel eldorado du business planétaire ; telle est la question ?
Pendant ce temps-là, les populations des îles de l’océan Pacifique (Marshall, Tuvalu, Vanuatu) n’ont d’autres solutions que de quitter leur terre en voie de submersion ; deux milliards d’individus dans le monde n’ont pas accès à l’eau potable ou de moindre qualité. Les experts onusiens estiment aujourd’hui que « la planète devrait faire face à un déficit global en eau de 40% d’ici 2030 » ; chiffre publié lors du forum mondial de l’eau en avril dernier. L’article 8 de l’Accord de Paris parle de mécanisme d’indemnisation « pertes et dommages » lié aux catastrophes naturelles ; mais aucun budget n’y est affecté ! D’ailleurs le Fonds Vert - avec un plancher de 100 milliards $ annuels - a été relégué dans les Décisions COP. Acté en 2009 à Copenhague, opérationnel seulement depuis 2014 il a n’a été engagé que 10 milliards $ contrairement au chiffre de tour de table de 85 milliards $ qui ne sont que des promesses.
 

Dossier: Environnement: Clap de fin pour la COP 21 - Accord de Paris
L’ougandaise Winnie Byanima, directrice de l’ONG Oxfam présente à Paris fait la corrélation entre le réchauffement de la planète et la pauvreté. De son point de vue, la manne de 100 milliards $ exigés par les pays vulnérables n’est pas de la charité mais une responsabilité juridique et historique qui incombe aux pays industrialisés. Ces derniers ont tendance à confondre l’aide au développement et ce mécanisme de financement destiné, répétons-le, à la transition écologique et énergétique des pays vulnérables.

Alex ZAKA
Paru dans le Diasporas-News n°70 de Janvier 2016 


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