Dossier Coupe du monde Russie 2018 : Égypte, Maroc, Nigeria, Tunisie et Sénégal : Un contingent renouvelé pour l'Afrique

Egypte: Difficile dès le départ 

Dans le groupe A, face à la Russie, l’Uruguay et l’Arabie Saoudite, l’Egypte a les arguments pour tenir la dragée haute à ses adversaires. Sans produire un jeu spectaculaire, la sélection égyptienne préfère évoluer en contre. Sa prestation lors de la CAN 2017 au Gabon, où elle a atteint la finale en est une parfaite illustration. Les Pharaons encaissent très peu de buts, s’imposent souvent par un score étriqué. Sur le banc des Egyptiens depuis 2015, le sélectionneur argentin Hector Cuper traîne la réputation d’un grand entraîneur. Lors de sa dernière Coupe du monde en 1990, il a causé des soucis aux Néerlandais, Irlandais et aussi aux Anglais. Hector veut absolument faire mieux que son rival algérien qui a atteint les huitièmes de finale en 2014. 

Pour relever le défi, il peut compter sur quelques joueurs de très bon niveau, dont Mohamed Salah (Liverpool), l’un des meilleurs footballeurs africains du moment. L’Égypte est la première nation africaine à participer à une Coupe du monde en 1934. En deux participations, les Égyptiens n’ont jamais gagné aucun match. Ils vont devoir vaincre le signe indien. Mais la tâche s’annonce rude car les Pharaons débuteront très fort dès l’entame de la compétition. Le 15 juin, ils en découdront avec le favori du groupe A, l'Uruguay, qui compte dans ses rangs deux butteurs racés Edinson Cavani dit ‘’El Matador’’ et Luis Suarez surnommé ‘’El Pistolero’’. Ensuite, l'Egypte devra affronter la Russie, portée par son public. Les Egyptiens devront être prêts dès le début de la compétition pour pouvoir encore prétendre se qualifier. Jusqu’au dernier match de groupe contre l'Arabie saoudite, les Pharaons doivent assurer. Hector dont l’esthétisme n’est pas la préoccupation, mise d’abord sur une défense de fer avant de songer au superflu. Pour l’instant, les résultats plaident en sa faveur.

Nigeria : Les Super Eagles toujours vivants  
Le Nigeria peut faire valoir ses atouts dans le groupe D, devant l’Argentine, la Croatie et l’Islande pour la 5^ème  fois en 6 participations au Mondial. Les Super Eagles retrouvent l’Argentine, qu’ils ont battue en amical en novembre (4-2). Le talent de Lionel Messi n’a pas suffi pour dissiper les inquiétudes de ses supporters, après les dernières prestations de l'Albiceleste. L’équipe de Gernot Rohr a été impressionnante lors des qualifications. Déjà présent en 2010 et 2014, le Nigeria confirme son statut de puissance africaine, même s’il a manqué les deux dernières éditions de la CAN.

Rohr, désigné en août 2016, s’est adapté à l’environnement local, réputé sulfureux et passionnel. Le sélectionneur allemand des Super Eagles a obtenu de sa fédération que toutes les affaires d’intendance soient réglées en amont afin d’éviter les conflits. Et sur le terrain, Rohr, fin connaisseur d’un continent qu’il écume depuis presque huit ans (Gabon, Niger, Burkina Faso) a apporté des modifications à son groupe, écartant certains cadres, renforçant le rôle de quelques autres, tout en appelant de nouvelles têtes.

Les Nigérians, qui disposent d’arguments techniques et athlétiques évidents, peuvent rêver, au pire, d’une seconde place. Ils débuteront face à la Croatie des artistes Luka Modric, Ivan Rakitic, Ivan Perisic et Mario Mandzukic. Ensuite, ils croiseront le fer les surprenants Islandais. Avant de chercher à rééditer l'exploit contre l'Argentine.

Maroc : La touche Renard 

Dans le groupe B, le Maroc se retrouve face à deux ogres. Les Lions de l’Atlas vont affronter le Portugal, champion d'Europe en titre, et l'Espagne, l’épouvantail du deuxième chapeau lors de tirage au sort. Les résultats des Portugais depuis l’Euro 2016 testent leur montée en puissance. Les Marocains ont hérité aussi de l’Iran, la meilleure sélection asiatique du moment. 

De toute évidence, les joueurs d’Hervé Renard évolueront dans un groupe très difficile. Ils ont affiché des espoirs lors des éliminatoires notamment une défense de fer (zéro but encaissé lors du troisième tour). Assurément, la motivation des Marocains face à ces deux cadors européens et la qualité collective de l’équipe, donnent des raisons d’espérer que les hommes du royaume chérifien ont le profil de la mission. Une qualité de jeu en nette amélioration avec Benatia, Belhanda, Ziyech, Dirar, Boutaïb et quelques autres….. Ils jouent bien, encaissent très peu de buts et évoluent dans un cadre moins rigide que sous l’ère Zaki, fortement apprécié par plusieurs internationaux. 

Les Lions de l’Atlas ont un léger avantage: celui de débuter contre l'Iran, une équipe d'un niveau moins élevé que les deux européens. Hervé Renard continue de construire sa légende avec deux CAN avec la Zambie (2012) et la Côte d’Ivoire en 2015. Il a réussi à qualifier le Maroc pour la première fois depuis 1998. Renard a essuyé son lot de critiques. Ses détracteurs lui reprochaient de faire pratiquer à son équipe un football pas assez ambitieux et de ne pas faire les bons choix. Plusieurs fois, la rumeur d’un départ précipité a même été évoquée. Si les hommes d'Hervé Renard gèrent bien ce premier match, ils auront des armes plus solides pour défier les Ibères. Le Maroc aura dû patienter vingt ans pour retrouver le plateau mondial.

Tunisie : Cocktail local 

La Tunisie s’était montrée très discrète lors de son dernier passage chez les grands de ce monde, en 2006. Logée à la même enseigne que la sélection tunisienne croisera deux ténors européens dans le groupe G. Les Aigles de Carthage ont, en effet, droit à la Belgique et à l'Angleterre. Les Tunisiens vont disputer leurs deux premières rencontres face à ces deux nations. Le Panama, petit Poucet du groupe, ne viendra qu'en troisième match. Un calendrier qui ne favorise pas la Tunisie qui devra se surpasser pour franchir le premier tour. Ce que cette sélection n’a jamais réussi lors de ses quatre participations précédentes.

Les Tunisiens, dont les performances se sont améliorées depuis le retour du sélectionneur Nabil Maâloul, en avril dernier, seront les gros outsiders de cette poule. La Tunisie a choisi de s’appuyer sur des joueurs évoluant au pays. La perspective de disputer une Coupe du monde étant une arme de séduction massive, l'équipe version 2018 s’est enrichie humainement et sportivement. Aujourd’hui, ce mélange entre locaux, expatriés et binationaux fonctionne plutôt bien. Ces joueurs évoluent au sein des quatre plus grands clubs du pays (Espérance Tunis, Club Africain, CS Sfax, Étoile du Sahel).

Ils se rappelleront aussi que Belges et Anglais ont historiquement quelques difficultés quand ils affrontent des équipes maghrébines… Mais Les Aigles de Carthage auraient sans doute préféré affronter les Américains plus tôt afin d'espérer jouer leur qualification après.

Sénégal : De jeunes lions aux dents longues 

Depuis leur seule et unique apparition en Coupe du monde, en 2002, les Sénégalais ont donné plusieurs fois de faux espoirs à leurs supporters encore récemment, lors de la CAN 2017. Il y a quinze ans, au Japon et en Corée du Sud, la génération des El Hadji Diouf, Ferdinand Coly, Aliou Cissé, Khalilou Fadiga ou Lamine Diatta avait atteint les quarts de finale. À l’époque, l’équipe était truffée de forts caractères, joyeusement canalisés par le regretté Bruno Metsu. Aujourd’hui, une nouvelle génération est à la manœuvre. 

Placés dans le groupe H, les Lions de la Teranga ont hérité d’une des poules les plus homogènes. La Pologne, avec Robert Lewandowski, l’un des meilleurs attaquants d’Europe, est à leur portée. La Colombie à un degré moindre. Quant au Japon, huitième de finaliste avec l’Algérie en 2014, il reste une valeur sûre en Asie. Le Sénégal débutera face aux Nippons. Les joueurs d’Aliou Cissé ont montré leurs atouts en qualifications. Ils ont réalisé un parcours sans aucune défaite. Le Sénégal a imposé le respect par sa rigueur défensive et la qualité de son secteur offensif. Les talents existent, avec une locomotive Sadio Mané, le buteur de la tanière, finaliste malheureux de la Champions league 2018 devant le Real Madrid. Cette saison, il a régalé Anfield Road et la Premier League anglaise. Il y a aussi Sarr, Sow, Sakho, Koulibaly, Baldé ou Guèye, capables d’exploits. Tous ont envie de faire encore mieux que leurs aînés avec l’équipe de 2002.

En 2002, pour leur première Coupe du monde, les Sénégalais alors conduits par Bruno Metsu avaient affronté sans complexe la France et l'avaient emporté. Aliou Cissé était sur le terrain, avec le brassard de capitaine. Cette fois, il est sur le banc, dans le costume de sélectionneur. En Russie, à la tête de jeunes lions, il espère à nouveau réaliser un bon coup. Le Sénégal n’avait plus mis les pieds en phase finale depuis seize ans.
 
Jean Christophe Pagni, correspondant à Abidjan
Paru dans le Diasporas-News n°97 de Juin 2018