Le jour de la première de son film à Addis Abeba, retraçant sa terrifiante errance de migrant à travers le Soudan et l'Egypte, l'Ethiopien Zekarias Mesfin a fait une entrée aussi choc que poignante: il est arrivé dans un cercueil, porté par six hommes aux gants blancs.
A 33 ans, Zekarias est bien vivant et a fondé une nouvelle vie au Canada. Mais après avoir frôlé la mort dans un périple éprouvant entamé il y a 12 ans pour tenter - en vain - de rejoindre Israël, il a voulu témoigner du traitement inhumain subi par les migrants illégaux qui tentent de trouver une vie meilleure loin de chez eux.
"J'étais presque mort", confie à l'AFP Zekarias après la première de son film la semaine dernière dans la capitale éthiopienne, Addis Abeba. "A la frontière israélienne, j'ai perdu beaucoup d'amis, qui étaient comme des soeurs et des frères pour moi".
Ce film, dans lequel il joue son propre rôle et qui a remporté le prix du meilleur espoir dans la catégorie réalisateur au Festival du film africain (TAFF) de Dallas en juillet, Zekarias l'a mûri pendant des années.
Puis il y a trois ans, il s'est lancé et a mis ses 2,2 millions de birr d'économies (69.000 euros) dans la réalisation de "Ewir Amora Kelabi". En amharique, ce proverbe veut dire : "La puissance spirituelle supérieure guidant les âmes perdues".
Tourné en Ethiopie, le film jette une lumière crue sur les violences subies par ces migrants éthiopiens et africains qui lors de leur exil traversent les déserts soudanais et égyptiens.
Car malgré une croissance économique rapide ces dix dernières années, l'Ethiopie reste un des pays les plus pauvres d'Afrique et beaucoup de jeunes partent à la recherche d'opportunités de travail dans des pays plus riches comme l'Arabie Saoudite et le Koweït. Mais sans visa, ils sont réduits à traverser illégalement le Soudan, puis l'Egypte ou à tenter la très dangereuse traversée du golfe d'Aden depuis la Somalie, pour rejoindre le Yémen, deux pays ravagés par la guerre.
- Abus, faim, prison -
Entre 2006 et 2014, environ 334.000 Ethiopiens ont émigré au Moyen-Orient, selon le secrétariat régional mixte pour les migrations, qui étudie ces migrations en Afrique de l'Est et au Yémen.
En août, au moins 50 migrants somaliens et éthiopiens ont été délibérément noyés sur la côte du Yémen par des passeurs qui semblaient avoir repéré des garde-côtes stationnés le long de la côte de Chabwa, dans la mer d'Oman, selon les Nations unies.
L'histoire et le film de Zekarias reflètent la réalité de nombreux migrants illégaux éthiopiens. Zekarias a perdu ses parents et un frère alors qu'il était encore jeune. Il a ensuite erré à travers l'Ethiopie en travaillant dans des échoppes de barbier jusqu'en 2005, avant de décider de tenter la route jusqu'en Israël, dans l'espoir d'un avenir meilleur.
Son périple et celui de ses compagnons d'infortune sera jalonné d'abus, escroqueries et violences, sans compter la faim et la soif, systématiques.
Finalement, il sera arrêté par les autorités égyptiennes près de la frontière israélienne et jeté en prison pour être entré illégalement dans ce pays. Il y passera deux ans. Puis grâce à l'aide de l'ONU, Zekarias aura la possibilité de commencer une nouvelle vie au Canada, bien loin de sa destination initiale.
- 'J'y étais' -
Devenu citoyen canadien, il vit à Edmonton (Alberta - Canada) avec sa femme et ses deux enfants. L'immigration illégale, "c'est très difficile, c'est très, très dangereux. Je veux que les gens le sachent", explique-t-il aujourd'hui.
"Je n'ai pas fait ce film documentaire en tentant de deviner ce qui se passe, j'y étais".
Ceux qui ont la chance de réchapper aux dangers de ces routes migratoires trouvent généralement du travail et de quoi envoyer de l'argent crucial pour aider leurs familles déshéritées restées au pays. Mais ils sont aussi régulièrement exploités et l'objet de maltraitances par des employeurs peu scrupuleux, selon l'Organisation internationale du travail (OIT).
Le film de Zekarias est très réaliste sur les violences vécues par les migrants, mais le réalisateur dit vouloir laisser le choix à son audience de tenter le voyage migratoire ou pas.
"N'importe qui peut décider de partir. C'est une décision qui appartient à chacun", estime le réalisateur, avant toutefois de conclure : "Mais je ne pense pas que quelqu'un ait toujours envie de partir après avoir vu mon film".
"J'étais presque mort", confie à l'AFP Zekarias après la première de son film la semaine dernière dans la capitale éthiopienne, Addis Abeba. "A la frontière israélienne, j'ai perdu beaucoup d'amis, qui étaient comme des soeurs et des frères pour moi".
Ce film, dans lequel il joue son propre rôle et qui a remporté le prix du meilleur espoir dans la catégorie réalisateur au Festival du film africain (TAFF) de Dallas en juillet, Zekarias l'a mûri pendant des années.
Puis il y a trois ans, il s'est lancé et a mis ses 2,2 millions de birr d'économies (69.000 euros) dans la réalisation de "Ewir Amora Kelabi". En amharique, ce proverbe veut dire : "La puissance spirituelle supérieure guidant les âmes perdues".
Tourné en Ethiopie, le film jette une lumière crue sur les violences subies par ces migrants éthiopiens et africains qui lors de leur exil traversent les déserts soudanais et égyptiens.
Car malgré une croissance économique rapide ces dix dernières années, l'Ethiopie reste un des pays les plus pauvres d'Afrique et beaucoup de jeunes partent à la recherche d'opportunités de travail dans des pays plus riches comme l'Arabie Saoudite et le Koweït. Mais sans visa, ils sont réduits à traverser illégalement le Soudan, puis l'Egypte ou à tenter la très dangereuse traversée du golfe d'Aden depuis la Somalie, pour rejoindre le Yémen, deux pays ravagés par la guerre.
- Abus, faim, prison -
Entre 2006 et 2014, environ 334.000 Ethiopiens ont émigré au Moyen-Orient, selon le secrétariat régional mixte pour les migrations, qui étudie ces migrations en Afrique de l'Est et au Yémen.
En août, au moins 50 migrants somaliens et éthiopiens ont été délibérément noyés sur la côte du Yémen par des passeurs qui semblaient avoir repéré des garde-côtes stationnés le long de la côte de Chabwa, dans la mer d'Oman, selon les Nations unies.
L'histoire et le film de Zekarias reflètent la réalité de nombreux migrants illégaux éthiopiens. Zekarias a perdu ses parents et un frère alors qu'il était encore jeune. Il a ensuite erré à travers l'Ethiopie en travaillant dans des échoppes de barbier jusqu'en 2005, avant de décider de tenter la route jusqu'en Israël, dans l'espoir d'un avenir meilleur.
Son périple et celui de ses compagnons d'infortune sera jalonné d'abus, escroqueries et violences, sans compter la faim et la soif, systématiques.
Finalement, il sera arrêté par les autorités égyptiennes près de la frontière israélienne et jeté en prison pour être entré illégalement dans ce pays. Il y passera deux ans. Puis grâce à l'aide de l'ONU, Zekarias aura la possibilité de commencer une nouvelle vie au Canada, bien loin de sa destination initiale.
- 'J'y étais' -
Devenu citoyen canadien, il vit à Edmonton (Alberta - Canada) avec sa femme et ses deux enfants. L'immigration illégale, "c'est très difficile, c'est très, très dangereux. Je veux que les gens le sachent", explique-t-il aujourd'hui.
"Je n'ai pas fait ce film documentaire en tentant de deviner ce qui se passe, j'y étais".
Ceux qui ont la chance de réchapper aux dangers de ces routes migratoires trouvent généralement du travail et de quoi envoyer de l'argent crucial pour aider leurs familles déshéritées restées au pays. Mais ils sont aussi régulièrement exploités et l'objet de maltraitances par des employeurs peu scrupuleux, selon l'Organisation internationale du travail (OIT).
Le film de Zekarias est très réaliste sur les violences vécues par les migrants, mais le réalisateur dit vouloir laisser le choix à son audience de tenter le voyage migratoire ou pas.
"N'importe qui peut décider de partir. C'est une décision qui appartient à chacun", estime le réalisateur, avant toutefois de conclure : "Mais je ne pense pas que quelqu'un ait toujours envie de partir après avoir vu mon film".