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Lomé : 16ème Forum de l’AGOA

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Réduction de l’aide au développement et de la contribution au Conseil de Sécurité, sortie des Etats-Unis de l’Accord de Paris ; telles sont les mesures symboliques de l’America first du président Donald Trump. Le business est, pour l’instant, épargné : aucune menace à l’horizon sur l’AGOA et la MCC.
Lomé : 16ème Forum de l’AGOA
Du 8 au 10 août prochain se tiendra à Lomé le 16ème Forum de l’African Growth and Opportunity Act (AGOA). Ainsi en a décidé, à l’unanimité, les ministres chargés du Commerce des pays participants au dernier conclave, tenu à Washington en septembre 2016. « Les Etats-Unis et l’Afrique : Partenariat pour la Prospérité à travers le Commerce » ; tel sera le thème de  cette cession annuelle. Pour le Togo, cette attribution est un pas de plus vers son retour sur la scène internationale. Mais il doit aussi assuré l’accueil et la logistique pour les délégations des 38 pays éligibles - plus de 1.000 participants - auxquelles il faudra rajouter l’armada étasunienne. Elle sera composée de responsables de différents ministères tels que le Commerce, l’Industrie, l’Energie, le Transport ; de l’USAID, des membres du Conseil de Sécurité Nationale ; des banques privées et quelques membres du Congrès. Cette délégation américaine sera conduite par le Représentant au Commerce Robert Lighthizer. C’est un vieux briscard des négociations commerciales qui a fait plier les japonais du temps de l’ère Reagan. Libéral bon teint, il a été nommé dès le mois de janvier 2017 par le président Donald Trump. Ce dernier ne tarit pas d’éloges sur sa carrière, justifie son choix pour ses qualités et sa réputation à «  défendre les positions commerciales et les valeurs américaines pour réaliser le grand dessein : America first ». En conclusion, « Bob » Lighthizer ne se déplacera pas à Lomé pour faire de la figuration !
 
Genèse et enjeux l’AGOA ?
Les années 1990 furent une époque formidable. De ce XXème siècle finissant, qui a vu la fin de l’expérience du communisme et le triomphe du capitalisme, règne une douce utopie. Les grands de ce monde se mirent à rêver d’un monde sans conflit majeur où, désormais, seul le commerce sans entrave, sans aucune frontière conduirait au bonheur et à la prospérité de toute l’humanité. Dans cette logique, l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) fut crée en 1995 ; elle avait pour objectif de favoriser les échanges et d’arbitrer les différends entre les pays membres. Et c’était aussi à ce moment-là qu’on a dicté les Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD) : réduire de 50% - d’ici à 2015 - la pauvreté dans le monde grâce notamment aux échanges commerciaux. Les Nations-Unies ont alors exigé aux grandes puissances industrielles d’accorder des facilités aux pays en développement en instaurant le principe de Système de Préférences Généralisées (SPG). En d’autres termes, il s’agit d’une dérogation octroyée aux pays vulnérables face aux règles trop strictes de l’OMC. 

Suivant les recommandations de la Conférence des Nations-Unies sur le Commerce et le Développement (CNUCED), en 2000, les Etats-Unis ont ainsi voté une loi organique appelée « Trade and Development ». Elle concerne les pays des Caraïbes et les pays de l’Afrique Sub-Saharienne : la Caribbean Basin Trade Partnership Act (CBTPA) pour les premiers et l’African Growth and Opportunity Act (AGOA) pour les seconds. En gros, cette loi permet à 120 pays en développement d’exporter vers les Etats-Unis sans droit de douanes ou à moindre taxe. L’idée était d’encourager les pays bénéficiaires à engager des réformes et à ouvrir leurs économies au commerce mondial ; seul moyen pour sortir de la pauvreté ! Un joli tableau si ce n’est que les américains ne perdent jamais de vue leurs intérêts ; et ce, bien avant l’avènement du président Donald Trump.

L’AGOA est une réelle opportunité pour les Etats-Unis de pénétrer le marché africain grâce au principe de réciprocité. Ils lorgnent sur un potentiel de 54 pays avec plus de 700 millions d’habitants qui pesaient 6,5 milliards $ en 1998 c’est-à-dire 45% de plus que les anciens pays du bloc soviétique réunis. Même si le continent africain ne pèse que 1% dans le volume consolidé des échanges commerciaux des Etats-Unis avec le reste du monde ; il n’en demeure pas moins que les pays d’Asie absorbent, en cette même période, 28% des exportations africaines contre seulement 6% pour les américains.

L’AGOA en chiffres
Après plus d’une décennie d’existence, le volume global d’échanges ne peut être un indicateur pertinent de la réussite de ce partenariat avec l’oncle Sam. En effet, les chiffres très flatteurs de 100 milliards $ d’exportation – le record établi en 2008 – ont été artificiellement gonflés par le cours favorable du prix du baril de pétrole. Or les récriminations contre l’AGOA découlent de la part trop grande de produits pétroliers (plus de 70% du total) dans le panier de plus de 6.000 produits exemptés de droits de douane à l’entrée des ports américains. Outre les pays exportateurs du pétrole - le Nigéria (47%), l’Angola (19%)-, seuls quelques pays comme l’Afrique du Sud (13%), l’île Maurice, le Kenya ou encore le Lesotho arrivent à tirer leur épingle du jeu. Ils exportent des voitures, du textile et quelques produits manufacturés. En résumé, sept des 39 pays éligibles bénéficient réellement des opportunités relatives à l’AGOA. Dans l’autre sens, les Etats-Unis investissent énormément dans les secteurs comme l’aéronautique, les énergies renouvelables, le BTP et les services (bancaire et informatique). Les investissements américains dits « greenfield » ou implantation d’une nouvelle usine en Afrique ont été estimés à 103 milliards $ en 2016.

En même temps l’administration américaine a engagé plus de 8 milliards $ pour la promotion du commerce et des investissements en Afrique. L’année dernière, l’Afrique du Sud a dû céder face à la menace américaine de l’exclure des accords arguant du sacrosaint principe de réciprocité. Et pourtant pendant une quinzaine d’années Pretoria a toujours refusé l’importation de produits agro-alimentaires (viande et surtout poulet) américains pour préserver sa filière avicole. Désormais, ce sont environ 60.000 tonnes de poulets subventionnés par an qui déferlent sur le marché sud-africain. D’après les experts, cette distorsion de prix coûtera à la nation Arc-en-Ciel 1.000 emplois directs par 10.000 tonnes de viandes importés. 

Quel sera l’ordre du jour à Lomé ?
Les américains jugeront encore une fois - la main sur le cœur - comme l’a fait le président Obama en 2014 à Washington face à une quarantaine de chefs d’africains que «  les Etats-Unis veulent établir de véritables partenariats qui permettent la création d’emplois et d’opportunités pour tous les peuples et qui ouvrent une nouvelle ère de croissance pour l’Afrique ». L’agenda caché des Etats-Unis se résume en une phrase : rattraper leur retard en Afrique par rapport aux autres pays industrialisés ; à l’instar de la Chine, du Japon, de l’Inde et l’Europe. Les pays africains, eux, restent campés sur leurs revendications : d’une part, améliorer le traité en réduisant les incertitudes et d’autre part, élargir l’AGOA à un plus grand nombre de produits au lieu de privilégier uniquement les biens manufacturés (6.000 actuellement).
La première doléance a déjà été exaucée par la signature du président Obama (en juin 2015) actant le prolongement de l’accord jusqu’en 2025. L’horizon est dégagé pour les entreprises étrangères qui souhaitent s’implanter sur le moyen terme. En effet, les usines de transformation ou de textile exigent un temps assez long (au moins 7 ans) pour amortir leur capital. Or, l’AGOA a déjà été reconduit quatre fois entre 2000 et 2015 ; induisant, semble-t-il, une frilosité des investisseurs. Quant au nombre de produits référencés, les pays africains estiment qu’il s’agit d’une entrave au développement de leurs exportations. L’élargissement ne change en rien à l’affaire. Le déséquilibre du terme de l’échange avec les Etats-Unis résulte d’un problème structurel de nos économies : nous produisons des biens à faible valeur ajoutée ; essentiellement des produits agro-alimentaires. Comment passer à une phase de transformation sans avoir les capitaux pour le faire ? Rappelons aussi que les pays des Caraïbes – éligibles au titre du CBTPA – sont géographiquement proches des ports américains. Ils ont la parfaite connaissance du marché étasunien car nombre de leurs coreligionnaires ont émigré chez l’oncle Sam. Nos produits agroalimentaires se heurtent donc à la concurrence de ces pays et ne s’adaptent pas aux besoins des consommateurs.
L’AGOA est un dilemme pour la plupart des pays éligibles. Certains secteurs d’activité comme le textile en Afrique en dépendent et il génère des milliers d’emplois. À ce titre, on ne peut le rayer d’un revers de la main. Pour autant, l’AGOA n’est en aucune manière la « pierre angulaire de la relation commerciale entre les Etats-Unis et l’Afrique » comme l’affirmait l’ancien Représentant au Commerce américain Michael Froman. L’AGOA  a été dévoyé ; il est devenu un cheval de Troie dont les investisseurs américains s’en sont servis pour pénétrer plus facilement l’énorme marché que représente le continent africain. Aucun pays éligible ne peut s’opposer à l’arrivée d’un concurrent américain au risque de se faire exclure de l’Accord. Reste que le président GW Bush a crée également en 2004 un instrument assez original bien que sa portée reste encore limitée. Il s’agit de la Millennium Challenge Corporation (MCC) ; un partenariat avec les pays qui respectent plusieurs critères : la bonne gouvernance, le doing business (environnement favorable aux affaires), des efforts en matière sociale. La MCC, un autre outil pour permettre la réduction de la pauvreté, maintient sa progression. Il permet de financer des projets dans le cadre de « compact » c’est-à-dire un programme de coopération pour une enveloppe estimée à 7 milliards $ environ. 

Et si notre salut venait du commerce intra-africain ? Elle reste « La » solution pour le continent africain mais c’est une œuvre de très longue haleine et les obstacles sont pour l’instant nombreux. Un simple constat : l’Afrique ne réalise que 10% de ses échanges commerciaux à l’intérieur du continent ; taux le plus faible du monde. Autrement dit, 90% de la production africaine part vers d’autres cieux. La plupart du temps, ce sont des matières premières qui s’évaporent sans avoir subi la moindre transformation ; pourtant créatrice d’une valeur-ajoutée. Même au sein de chaque bloc régional, les échanges entre les pays sont limités. Ceci se répercute au niveau du commerce intra-communautaire ; plombé par des contraintes institutionnelles, d’infrastructures (l’état des routes et autres voies de communication), administratives (tracasserie douanières, autres règlements). Tous ses écueils mis bout à bout renchérissent le prix final des marchandises que la Banque Mondiale estime aujourd’hui à une majoration des prix de 50%.
 
Alex ZAKA 
Paru dans le Diasporas-News n°87 de Juillet-Août 2017


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