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Dossier: François Hollande : au revoir à l’Afrique

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La classe politique française s’intéresse peu à l’Afrique. Et François Hollande n’y dérogeait pas ! Pourtant, les circonstances historiques en ont décidé autrement. Au moment où il quitte ses fonctions, il peut se prévaloir d’avoir rendu la meilleure copie de son quinquennat grâce à l’Afrique.
Dossier: François Hollande : au revoir à l’Afrique
Les relations entre le président François Hollande et l’Afrique pourraient se tenir dans ces quelques phrases prononcées lors du 27ème Sommet Afrique-France de Bamako en janvier dernier. À propos du chef de l’Etat français, son homologue malien Ibrahim Boubacar Keita (IBK) déclara : « de tous les chefs d’Etat français, c’est celui qui a eu les relations les plus sincères et loyales avec le continent ». Et le président François Hollande répondît en ces mots : « Je n’oublierai jamais les liens que nous avons tissés ».
Bilan ou travail d’introspection ?
Le continent africain fut une terra incognita pour le candidat aux élections présidentielles de 2012, François Hollande. Outre deux brèves incursions (Algérie et Somalie), au début des années 1980, du temps où il préparait l’ENA, ses perceptions de l’Afrique ne se faisaient qu’aux travers de ses camarades de l’Internationale Socialisme. Plusieurs de ses membres sont aujourd’hui aux affaires : IBK, Alpha Condé et Mahamadou Issoufou. Ce continent ne rentrait pas dans ses centres d’intérêt. Pas étonnant que la politique africaine soit reléguée parmi les derniers engagements de son projet présidentiel c’est-à-dire le 58ème sur 60 engagements : « Je romprai avec la Françafrique en proposant une relation fondée sur l'égalité, la confiance et la solidarité. Je relancerai la Francophonie ». En tout cas, il est resté dans le politiquement correct, comme tous ses prédécesseurs : l’idée d’en finir avec la Françafrique. Pourtant, un président de la République élu en France hérite du passé historique et d’une constance de sa politique étrangère. En effet, l’intrication des relations entre l’ancienne puissance coloniale et son pré-carré n’est pas du seul ressort des institutions et des politiques. La fraternisation entre militaires, les relations économiques, et même les anciens ministres ou haut-fonctionnaires expatriés entretiennent tout un circuit parallèle. Chaque locataire du palais de l’Elysée se doit donc d’imposer sa marque et d’éviter les chausse-trappes de ce tentacule. De plus, la politique étrangère de la France transcende les clivages idéologiques et les alternances au sommet de l’Etat. Depuis la fin de la guerre froide et l’avènement de la mondialisation, ses relations diplomatiques et géopolitiques se concentrent davantage sur l’alliance transatlantique, la construction européenne et les relations avec les pays émergents. Bon an, mal an, sa politique africaine ne peut donc varier de manière significative. Elle oscille entre deux idées forces : d’une part, une relation privilégiée entre la France et l’Afrique ; surtout avec ses anciennes colonies ; d’autre part, une normalisation de cette relation. Comment trouver un subtil dosage entre deux attitudes ? Car nombre de politiciens estiment que les difficultés économiques et les contraintes budgétaires commandent une vision désormais plus recentrée sur l’Europe ou l’Hexagone. Alors que la dimension économique, la présence des pays émergents sur le continent et les flux migratoires vers l’Europe imposent aux dirigeants français une défense de ses positions.
Au moment de l’élection de Barack Obama en 2009, le continent africain voyait un homme providentiel dans l’accession de cet afro-américain à la Maison blanche. Dans une moindre mesure, l’arrivée de François Hollande suscita en Afrique francophone un espoir et surtout une attente après la malencontreuse maladresse de son prédécesseur Nicolas Sarkozy à Dakar en 2007. La France, ancienne puissance coloniale, garde des liens historiques avec l’Afrique. Ils se traduisent par des échanges commerciaux, des relations culturelles privilégiées. Certaines élites africaines sont incorrigibles : pourquoi s’appesantir sur cette mystification des Etats-Unis et la France alors que nous devons maintenant prendre notre destin en main ?
Le début du quinquennat
Le changement tangible dès l’arrivée de François Hollande reste certainement la disparition du ministère de Coopération. En lieu et place un nouveau portefeuille a été crée : Ministre délégué auprès du Ministre des affaires étrangères, chargé du Développement. Il échoit à Pascal Canfin, un spécialiste de la transparence financière qui sera chapeauté par Laurent Fabius au Quai d’Orsay. Quant à la fameuse cellule africaine – 2 rue de l’Elysée – elle a physiquement disparu depuis 2007, dès l’arrivée de Nicolas Sarkozy à la tête de l’Etat. Mais son tout-puissant Secrétaire Général Claude Guéant continuait de régenter les relations du palais de l’Elysée avec les capitales africaines. Le président François Hollande lui a préféré nommer deux ou trois conseillers chargés de la politique africaine en estimant que « c'est un continent comme les autres, qui requiert plus d'attention seulement parce qu'il concentre la plupart des pays pauvres ». La particularité de ces nouveaux conseillers, des diplomates et des fonctionnaires chargés de mettre en musique cette politique, est qu’ils ont travaillé – pour la plupart d’entre eux - dans les pays anglophones du continent ou en Afrique Australe ; voire carrément venus d’autres horizons. Est-ce-une manière d’éviter la perpétuation de cette Françafrique tant décriée ?
Le président François Hollande a effectué pendant son quinquennat près de 190  déplacements à l’étranger soit en moyenne quatre voyages par mois. Il a visité plus 82 pays différents. Plus de 50% de ses déplacements s’effectuaient en Europe. L’Afrique fut le second continent le plus visité avec une trentaine de voyages. Au tout début, fidèle à ses principes démocratiques, François Hollande était réticent à recevoir les « rois » africains mais il s’y est plié. Avant son premier voyage en terre africaine en octobre 2012, en l’espace de six mois après sa prise de fonction, le chef de l’Etat français a dû recevoir à Paris sept homologues de l’ancien pré-carré : Thomas Yayi Boni (Bénin), Ali Bongo Ondimba (Gabon), Alpha Condé (Guinée Conakry), Macky Sall (Sénégal), Mahamadou Issoufou (Niger), Alassane Ouattara (Côte d’Ivoire) et Blaise Compaoré (Burkina Faso). Le congolais Denis Sassou Nguesso fut recalé et le tchadien Idriss Déby se porta pâle au dernier moment au motif que la disparition en 2008 de l’opposant Oumar Mahamat Saleh serait abordé. Au cours ses derniers mois à l’Elysée, la procession de ses homologues pour un dernier Adieu ressemblait fort à son accession ; pas moins de quatre chefs d’Etat ! 
Octobre 2012, la première tournée : Kinshasa pour le XIVème Sommet de la Francophonie. Il effectuera une première escale à Dakar, un choix déterminé par les performances démocratiques du pays. Le discours devant le parlement sénégalais était attendu par tout le continent. Effacera-t-il l’affront de 2007 c’est-à-dire le « discours » de son prédécesseur à l’université Cheick Anta Diop ? La RDC est un passage obligé mais la réélection contestée de Joseph Kabila en 2011 est contraire aux valeurs démocratiques défendues par Paris. Il a fallu toute la force de persuasion d’Abdou Diouf Secrétaire Général de l’OIF pour éviter la politique de chaise vide de François Hollande. Deux années plus tard, cette fois-ci à Dakar toujours lors du XVème Sommet de la grande famille francophone, François Hollande a tenu a rappelé avec véhémence l’importance de l’alternance démocratique. C’était quelques semaines après la chute de Blaise Compaoré. Et depuis, les circonstances ont fait que le discours s’est édulcoré ou carrément porté sur d’autres préoccupations du moment et aussi éviter de s’aliéner des soutiens fidèles comme le président Idriss Déby, réélu pour un cinquième mandat en 2016.
François Hollande, chef de guerre
Les circonstances historiques ont propulsé le chef de l’Etat en Afrique. Début 2012, le Mali vient de subir les effets collatéraux de la chute du colonel Kadhafi. La rébellion touareg au Nord-Mali, n’est qu’un cheval de Troie derrière lequel se cachent les djihadistes d’AQMI, du MUJAO et d’Ansar Dine. Affaibli le président Amadou Toumani Touré (ATT) est déposé par un coup d’Etat. La junte dirigée par le capitaine Sanogo est incapable de contenir l’avancée des islamistes qui marche sur Bamako. Les présidents Alassane Ouattara et Yayi Boni font part de leur préoccupation : l’opération Serval est déclenchée. Sans l’intervention militaire de la France en janvier 2013, la capitale malienne serait tombée entre leurs mains. Trois semaines plus tard, « Papa » Hollande, le sauveur fut accueilli en liesse à Tombouctou. Il confiera plus tard « qu’il venait sans doute de vivre la journée la plus importante de sa vie ». Oublié les fâcheries avec son homologue Idriss Déby. Le contingent tchadien était le seul à avoir pu prêter main forte aux forces françaises pour mettre hors d’état de nuire les terroristes cachés dans les katiba des Ifoghas. N’Djamena deviendra le centre opérationnel de l’opération Barkhane, lancée en août 2014 : une coalition entre l’armée française et les pays du G5 Sahel (Mauritanie, Mali, Burkina Faso, Niger, Tchad) ; l’objectif étant de surveiller les 3 millions de km² du Nord-Sahel et de lutter contre les terroristes. Fin décembre 2013, il est de nouveau sollicité pour sauver la République Centrafricaine des griffes de la Séléka. Sous résolution du Conseil de Sécurité de l’ONU, l’opération Sangaris est déployée avec 3.500 hommes.
François Hollande est sur tous les fronts. Face à la menace de Boko Haram, il organisa à Paris un Sommet pour la sécurité au Nigéria en mai 2014. Les participants – les pays voisins plus les représentants des Etats-Unis, du Royaume-Uni et de l’UE - ont adopté un plan d’action régionale pour éviter la jonction entre AQMI et la secte nigériane qui déborde sur le Cameroun, le Niger. Outre ses déploiements de contingents sur le sol africain, Paris s’est engagée à former environ 25.000 soldats africains par an. Dans ce domaine, il a toujours été épaulé par son ministre de la Défense Jean-Yves le Drian surnommé le ministre de l’Afrique, que tous les chefs d’Etat du continent tiennent en estime. Lors du son dernier déplacement en Afrique, François Hollande a mis l’accent « sur les problèmes africains » et « sur les solutions également africaines » ; et surtout en matière de paix et de sécurité.
La COP 21 et la Francophonie
Les Sommets de la Francophonie et la Conférence sur le Climat (COP 21) de Paris en novembre 2015 marquèrent également les liens qui unissent la France et le continent africain. Au cours de son mandat. Le président français n’a raté aucune des trois biennales des pays francophones : Kinshasa (2012), Dakar (2014) et Antananarivo (2016). L’Afrique comptera quelques 200 millions de locuteurs francophones en 2050. Une coopération sur le long terme laisse augurer de formidables opportunités dans l’espace (culturel, économique) francophone face à un monde en perpétuel mutation. Pour la COP 21, la France, puissance organisatrice, voulait faire de ce Sommet une réussite c’est-à-dire obtenir l’accord sur le changement climatique. Et pour cela, l’Afrique a été un soutien indispensable pour peser dans une négociation où plus de 182 pays avaient sa voix au chapitre. Laurent Fabius chef de la délégation française et François Hollande jubilent. Depuis, plusieurs pays dont les Etats-Unis et la Chine ont ratifié l’accord de Paris. Quant à l’Afrique qui subit de plein fouet les effets du changement climatique, elle attend toujours la promesse faite d’une mobilisation de fonds Vert, estimé à 100 milliards $ par an.
 
Aujourd’hui, l’Afrique et son fort potentiel économique suscite de plus en plus d’intérêts. Et les dirigeants africains n’hésitent plus à faire jouer la concurrence au détriment des partenaires historiques. Les échanges commerciaux entre la France et l’Afrique ne cessent de suivre une courbe descente. En une décennie, la part de marché l’Hexagone a reculé de 10 à 4,7% ; pour la même période, la Chine bondît de 2 à 16%. Les brésiliens, indiens et mêmes les turcs sont en embuscade. Comment enrayer cette baisse, la France se mobilise en confiant la rédaction d’un mémorandum à l’ancien ministre des Affaires Etrangères Hubert Védrine : la dynamique économique entre l’Afrique et la France. Et le président François Hollande lui-même n’a pas hésité à endosser sa casquette de VRP de luxe pour les entreprises françaises. Chaque voyage présidentiel comporte un volet économique pour l’ouverture de marchés ou la signature de contrats. L’Agence Française de Développement (AFD), le bras séculier de l’Etat français dans la promotion du développement reste très actif. Elle intervient de plus en plus sur des montages privés ou des partenariats public-privé comme la réalisation de tramway de Dakar. Lors de la célébration des 75 ans de l’AFD, le chef de l’Etat français s’est engagé à porter à cinq milliards €uros par an (contre 4 milliards actuellement) les investissements de l’établissement d’ici 2019. De plus, il a avalisé le partenariat entre l’AFD et la Caisse de Dépôts et Consignations ; ce qui permettra à la France de tenir ses engagements en matière de lutte contre les dérèglements climatiques. De son dernier passage en Afrique (Sommet de Bamako), il a lancé le Fonds d'investissement franco-africain doté de 76 millions €uros sur 10 ans.
 
Malmené par sa propre famille politique au point de devoir renoncer à se présenter pour un second mandat, vilipendé par ses adversaires ; il a battu les records d’impopularité mais d’ici quelques mois. Les français commenceront à le regretter et constateront que son bilan n’est pas tout à fait négatif. L’Afrique aura été un réconfort pour ce président mal-aimé dans son pays. Les observateurs ont souvent remarqué qu’il était un peu plus décontracté et jamais avare d’une plaisanterie avec ses homologues africains pour détendre l’atmosphère lors des conférences de presse commune en Afrique. D’ailleurs, il avait promis qu’il reviendrait en Afrique ; qui lui a laissé un « goût d’inachevé » !!!
 
 
Alex ZAKA

Paru dans le Diasporas-News n°85 de Mai 2017


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